Sorti en 2004, Mes excuses s’inscrit dans un contexte houleux pour Dieudonné. Marqué par un lynchage médiatique après un sketch controversé, l’humoriste répond avec un spectacle où la satire et la provocation s’entremêlent. Ce spectacle est à la fois un acte de défiance et une tentative de questionner la censure et la liberté d’expression dans une société qui se veut démocratique. Si l’approche est audacieuse, elle soulève également des interrogations sur la manière dont l’humour peut servir à dépasser ou renforcer les divisions.
Malgré des fulgurances comiques indéniables, Mes excuses souffre d’un déséquilibre dans son ton. Certains sketches, comme celui sur l’éducation nationale avec les examens oraux, rappellent le génie humoristique de Dieudonné, capable de rendre hilarantes des situations du quotidien. Ses critiques de l’histoire française et des penseurs des Lumières ajoutent une profondeur rarement vue dans le registre comique. Toutefois, ces moments lumineux sont éclipsés par une focalisation excessive sur des attaques contre Israël et les juifs. Cette obsession personnelle, bien qu’ancrée dans un contexte de réponse à des critiques, donne au spectacle un ton répétitif et parfois pesant.
En s’enfermant dans une rhétorique de provocation, Dieudonné détourne l’attention des sujets plus universels qu’il pourrait aborder. Si le spectacle soulève des questions pertinentes sur les oppressions historiques et les hiérarchies mémorielles, il tend à sombrer dans une compétition stérile entre les souffrances, au détriment d’un message apaisant ou constructif. Les sketches de clôture, comme celui des Racistes Anonymes, peinent à offrir une conclusion mémorable, restant en deçà de ce qu’on pourrait attendre de l’humoriste.
En résumé, Mes excuses peine à illustrer le talent de Dieudonné. Son humour noir et son audace intellectuelle restent éclatants par moments, mais l’ensemble s’alourdit d’une volonté de provocation qui finit par desservir le propos. Comme l’a observé Alexandre Astier, Dieudonné n’est pas plus antisémite que n’importe qui d’autre, mais il s’est piégé dans une spirale de provocations dont il peine à sortir. S’il apprenait à "fermer sa gueule" sur certains sujets pour mieux se concentrer sur son talent comique, il se rendrait service, tout autant qu’à son public.