Malheureusement pour lui Willard Huyck restera surtout connu pour être le réalisateur d'un des plus gros flop de l'histoire du cinéma avec Howard The Duck en 1986 faisant presque oublié que le bonhomme fut aussi scénariste sur Indiana Jones et le temple maudit ou American Graffiti. Si l'on revient bien plus loin en arrière encore jusqu'à remonter à la source, Willard Huyck signe avec son tout premier film Messiah of Evil qu'il co-écrit avec son épouse Gloria Katz ( également co-réalisatrice non créditée) une petite perle de cinéma fantastique, étrange, onirique et poétique qui mérite vraiment d'être redécouverte.
Messiah of Evil c'est l'histoire d'Arletty (en hommage au cinéma Français) , une jeune femme qui se rend dans la petite ville de Point Dune afin de retrouver son père artiste peintre dont elle n'a plus la moindre nouvelle après une série de lettres de plus en plus étranges. Elle découvre dans sa maison vide un inquiétant journal de bord alors qu'autour d'elle la ville entière semble en proie à une malédiction.
Messiah of Evil est un film d'ambiance dans lequel il convient de se glisser comme dans un étouffant et oppressant nuage cotonneux, comme dans un long et profond cauchemar . Le scénario en lui même ne propose rien de transcendant et l'histoire pourra même sembler chaotique et décousue tant le film semble parfois construit comme un collage de séquences étranges et fantastiques. Pourtant Messiah of Evil fonctionne parfaitement en créant une atmosphère étrange et malaisante portée par la mise en scène élégante de Willard Huyck et quelques éléments indissociables à l'univers du film. Messiah of Evil tire déjà le meilleur de l'incroyable décor qui sert pour la maison de l'artiste, cette grande bâtisse possède des murs peints avec d'immenses fresques qui donnent des perspectives étranges aux images, des faux semblants troublants et des trompes l’œil à l'image de ses nombreuses figures mornes et impassibles qui semblent constamment observer ses habitants et même nous en tant que spectateurs. Le film joue à merveille de cet ambiance onirique et oppressante comme lorsque l'un des personnage qui tente de s'endormir se tourne et retourne dans tous les sens dans son lit mais se retrouve systématiquement confronté aux regards des figures peintes sur les murs. Le film utilise aussi à merveille les couleurs et la lumière faisant parfois baigné le film dans une ambiance à la Mario Bava très imprégnée du cinéma transalpin de Dario argento avec une photographie absolument magnifique et des ambiances jouant à merveille sur des bleues froids et inquiétants et des rouges vifs comme le sang à l'image de cette lune rouge symbole du retour du Messie du mal. Messiah of Evil ne cesse également de jouer sur la lumière et les ombres, sur des perspectives profondes, sur la rigueur de son cadre et l'étrangeté qui semble lentement s'incruster et venir parasiter l'image. La séquence la plus symbolique de ce travail reste peut être la fameuse scène du cinéma qui parvient à faire naître une profonde angoisse avec presque rien si ce n'est la froide rigueur de sa mise en scène. Le film regorge de nombreuses scènes marquantes et éprouvantes comme lorsque l'héroïne vomi des insectes et des lézards ou qu'un étrange personnage d'albinos croque un rat vivant. Certaines scènes sont également de purs moments graphiques comme lors d'un affrontement dans des éclaboussures de peintures sur le sol et les murs avec un protagoniste qui s'est carrèment peint le visage en bleu.
Il faut également souligner la bande son qui transforme des sons de la nature comme le vent et le bruit de la mer en une inquiétante mélodie et la musique très angoissante de Phillan Bishop .... Le film ne marque sans doute pas trop pour l'histoire qu'il raconte mais encore une fois il regorge de séquences marquantes comme celle du cinéma devenue culte ou celle du supermarché qui semble anticiper le Zombie de Romero. Le film est rempli de plans graphiquement magnifiques et de trouvailles visuelles dont certaines semblent avoir été reprises maintes et maintes fois par le cinéma horrifique et fantastique comme ses ombres inquiétantes et flous derrière une vitre avec soudain la main qui se pose sur la surface. On notera aussi l'utilisation de l'expression "personne ne vous entendra crier" qui sera reprise et deviendra culte avec Alien. Sur un registre plus anecdotique Willard Huyck et Gloria Katz interprètent deux petits rôles dans le film tout comme le réalisateur Walter Hill dans le glaçant prologue du film
Messiah of evil restera la seule incursion de Willard Huyck dans le cinéma de genre et pour cause, il n'avait accepté de faire un film d'horreur à petit budget que pour l'opportunité offerte par un producteur de faire son premier film. Sorti en 1973 , Messiah of evil est devenu un petit classique du genre et demeure de loin le meilleur film de Willard Huyck , preuve que même sans passion excessive on peut faire de très belles choses. En tout cas ce film resté longtemps invisible en France est une véritable petite merveille dont les images et les sensations étranges impregnent pour longtemps les esprits.