Casting moins flatteur, moyens que l’on devine plus limités, n’empêchent pas Lina Wertmuller de mettre à contribution la fougue qu’on lui connaît pour dresser, une nouvelle fois, le portrait d’une Italie à deux vitesses. Et plus précisément d’un petit groupe de personnages touchants qui bénéficient de sa plume toujours aussi habile quand il est question d’esquisser les contradictions, de moquer gentiment les traditions et surtout de mettre en images les paradoxes du sentiment amoureux.
Il ne faut pas s’attendre ici à la photographie intimiste somptueuse d’un Film d’amour et d’anarchie, Metalmeccanico e parrucchiera in un turbine di sesso e di politica (ouf!) est un film plus modeste d’ambition, que ce soit dans sa structure narrative ou dans sa mise en œuvre formelle (même si lorsque les sources lumières se font moins présentes, la photo devient plus agréable). On est plus dans le cadre d’une récréation comique assumée en tant que telle. Mais ça fonctionne : les situations sont amusantes, conjuguant à merveille pitreries grasses et fourberies plus subtiles.
Les dix premières minutes résument bien le film : en deux séquences, tous les personnages sont introduits, les enjeux identifiés. Deux communistes machos jusqu’à l’os s’énervent devant leur télé à l’annonce des résultats d’une élection, leur camp ayant perdu face à la Ligue du Nord. Vexés, ils décident d’aller régler leur compte aux militants adverses qui, selon eux, ont le coeur trop à la fête. Manque de bol, dans les affrontements qui suivront, l’un des deux compères tombera sous le charme d’une coiffeuse droitiste qui n’a pas que la langue de bien dodue.
De cette situation banale, Lina Wertmuller tire une séquence délicieuse : sa direction d’acteurs fait toute la différence. Ce qui aurait pu être une scène gratuite grossière devient un moment comique touchant. Le gros blaireau qui fonçait sur des militants la minute d’avant semble sympathique : c’est à mon sens ce qui fait la force de son cinéma, cette facilité à composer des personnages versatiles qui ne rentrent dans aucune case ainsi que sa volonté à les confier à des « tronches », surtout pour ses figures féminines : le visage de Veronica Pivetti n’est pas sans rappeler le physique particulier de Mariangela Melato.
Tout le reste de la bobine est du même acabit. Alors il manque peut-être à ce film un poil de percussion, même si on comprend vite qu’il n’est pas question ici de marquer les esprits, mais tout simplement de poser quelques problématiques populaires et d’y répondre avec humour.
J’adhère et, une nouvelle fois, sors de la séance avec le sourire.