Metropolis
8.1
Metropolis

Film de Fritz Lang (1927)

Le chef-d'œuvre cinématographique princeps

À l'heure où j'écris ces lignes, mes tops 10 sont vides à... (10*7-2=68, 68*100/70...) 97,143%.

Je crois.

Bref. Pendant longtemps mes tops sont restés totalement vides. Et ils vont certainement mettre beaucoup de temps à se remplir, car j'ai décidé de n'y mettre que les œuvres qui m'ont vraiment profondément marqué.

Aujourd'hui j'y ai mis mon premier film. Pourtant, pour tout vous dire, je pensais que pour le cinéma, ce serait dur. Parce que je pense, du fond de mon inculture, que le cinéma est un art dans lequel faire du chef-d'œuvre relève quasiment de l'impossible (navré pour les cinéphiles, et je sais qu'ils sont nombreux ici). L'on me dira peut-être : "Tu plaisantes? En combinant le son et l'image, les possibilités sont infinies!" Mais justement. Comment voulez-vous maîtriser tout cela à 100%? Les prises de vue? Les décors? Les acteurs? La musique? Tout cela en même temps sur plusieurs heures? Non, décidément je ne pense pas cela humainement possible.

Je ne pensais pas cela humainement possible jusqu'à ce que je vois Metropolis. Metropolis a la force d'une tragicomédie (comprendre une tragédie qui finit bien). Il est visuellement époustouflant, tant de par ses décors que de par la chorégraphie de ses acteurs. Merde, à l'heure du cinéma parlant et des images de synthèse y a-t-il encore des scènes aussi majestueuses que ces ouvriers se mouvant au rythme des machines, exprimant dans leurs épaules voûtées toute la misère du monde? Et pour ceux qui se gaussent en pensant à la danse de l'androïde lorsque je parle de chorégraphie : cette scène, par exemple, est géniale. Ce n'est pas du tout sexy mais c'est en revanche tellement bizarre que ça en devient hypnotique. Tous ces regards voyeurs, tous ces yeux... De même, la contrainte du muet oblige les acteurs à surjouer, mais quelle réussite. Regardez-moi ces tics de folie sur le visage de l'être-machine, ces cambrures chez les personnages désespérés... L'orchestration n'est pas en reste, du moins dans la version remasterisée de 2010, mettant parfaitement en valeur l'action, la peur, la révolte, la souffrance, la fuite. L'histoire enfin s'inspire du mythe (avec sa libre interprétation de la Tour de Babel) pour créer un mythe. D'apparence simpliste, elle a ce quelque chose de primitif qui la rend excellente, évoquant pêle-mêle des thématiques d'asservissement (qui vont au-delà de la simple idéologie gauchiste, ce qui en a déçu voire outré quelques uns - "Quelle horreur, le peuple se réconcilie avec la classe dirigeante! Et devant une église en plus!") et des références bibliques illustrant à la fois l'horreur (la luxure des classes dirigeantes, la colère aveugle des ouvriers) et l'espoir (incarnée par une Maria entourée de croix). Pas de méprise cependant : le film invite bien à la réconciliation, pas à la reconnaissance du pouvoir de Dieu. De la différence entre fin et moyen.

Alors oui, Metropolis est vieux. L'image est parfois dégueulasse (certains plans proviennent en effet d'une copie abîmée retrouvée à Buenos Aires) et regarder 2h30 de film muet peut être épuisant. Sur ce dernier point, n'hésitez pas à vous servir du découpage en trois parties pour souffler un peu. Le temps de cligner des yeux histoires de les lubrifier un peu. Mais c'est un voyage à faire, grandiose et fascinant.

La première fois que je ressens un frisson en voyant un film.
RaoulDeCambrai
10
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le 13 sept. 2013

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RaoulDeCambrai

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