Partie 1
Au milieu d’un gigantesque décor sans fin qui semble se poursuivre dans les étoiles, au sommet d’un immense escalier, un homme contemple l’univers dans un télescope.
Patrick Stewart, descendu de son vaisseau spatial Enterprise, de Star Trek Nouvelle Génération, nous fait les honneurs de la visite. Sa voix aux accents quasi shakespeariens raconte l’histoire des studios MGM avec enthousiasme et persuasion.
Nous sommes invités dans une usine à rêves, où les stars, disait-on, étaient aussi nombreuses que les étoiles du ciel. Vues les années où l’histoire remonte, il est certain que les témoins de ces temps anciens ont aujourd’hui rejoint celles-ci.
Pourtant ce n’est pas à la tristesse que nous invite Patrick Stewart mais à l’émerveillement et au rêve et à une plongée dans l’histoire du cinéma.
Le documentaire est divisé en 3 volets, distinguant les grandes étapes de la vie du studio MGM : sa naissance, son apogée et son déclin.
Le premier volet présenté ici se centre sur son fondateur Louis B. Mayer et sur son jeune poulain Irving Thalberg, insistant principalement sur le destin court et fabuleux de celui qui fut surnommé Le jeune prodige d’Hollywood.
Dirigeant à 24 ans à peine le gigantesque studio, Thalberg sera l’initiateur d’un nombre impressionnant de projets de films, dirigera les équipes et studios et sera à l’origine de méthodes nouvelles de gestion des productions, concernant notamment la division en équipes et la chaîne de montage des films.
Ce cinéma est celui d’une époque où le producteur a la mainmise quasi-totale sur les films réalisés, où réalisateurs et acteurs sont choisis par les studios qui décident de mettre en oeuvre tel ou tel projet.
Cette 1ère partie insiste ainsi, à travers de nombreux extraits, sur l’audace et le génie créatif du jeune Thalberg, à l’origine de films monumentaux qui feront les premiers grands succès de la MGM: La grande parade, Ben Hur, Les révoltés du Bounty, Tarzan l’homme singe, Une nuit à l’opéra…
La grande erreur des studios MGM sera de ne pas anticiper les conséquences du parlant, vu comme une mode passagère et une technique bourrée d’imperfections.
Les impressionnantes comédies musicales comme Broadway Melody, jouant sur le gigantisme du nombre de danseurs et chanteurs et sur des décors immenses, permettront cependant aux studios de rebondir rapidement.
Broadway Melody gagnera ainsi l’oscar du meilleur film en 1930.
Le documentaire trace ce faisant un portrait assez peu glorieux de Louis B. Mayer, jalousant le jeune prodige Thalberg, profitant de son absence pour cause de maladie pour lui ôter une part de ses responsabilités, construisant ou détruisant le destin des vedettes.
L’exemple le plus flagrant sera celui de John Gilbert, qui suite à une violente dispute avec Mayer, verra sa carrière sabotée. Le portrait se complète d’une vision d’un management très paternaliste des studios, par Mayer, notamment envers les enfants stars, aspect qui sera plus développé dans la seconde partie.
Agrémenté de nombreux extraits de films et de témoignages, le film se suit avec intérêt. On pourra reprocher à ce premier volet de beaucoup insister sur les querelles intestines et les luttes de pouvoir, on aurait aimé voir des extraits un peu plus longs.
De même, cette première partie nous faisant remonter très loin dans l’histoire du cinéma, les témoignages recueillis, souvent anciens sont parfois faits par des témoins à l’âge avancé, voire très avancé.
La 1ère partie du documentaire se clôture en 1936, à la mort d’Irving Thalberg, à 37 ans à peine, des suites de sa maladie cardiaque.
Après une fin un peu déprimante où les témoins pleurent encore des années après en pensant à ce jeune destin brisé et où Patrick Stewart accroche une couronne aux grilles du studio, on attend le volet 2 qui va nous faire connaître l’apogée des studios MGM.
A suivre…….
Partie 2
Le 1er volet du documentaire s’est achevé très tristement en 1936 avec la mort d’Irving Thalberg, le jeune prodige de la MGM.
Patrick Stewart nous ouvre à nouveau les portes vers le renouveau du studio, qui après avoir pleuré son jeune producteur, se tourne vers son avenir…une page est tournée, mais le meilleur reste encore à venir.
Le 2nd volet s’attache principalement aux stars du studio et à ce renouveau. On découvre ainsi les enfants stars que Mayer va découvrir et attirer à la MGM.
On suit particulièrement trois d’entre eux, à travers leurs films puis témoignages à l’âge mur : le timide et émouvant Freddie Bartholomew (David Copperfield, Le petit Lord Fauntleroy), le tour à tour amusant et larmoyant Jackie Cooper (L’île au trésor, Le champion) et l’incontrôlable et surdoué Mickey Rooney (Des Homme sont nés, Babes in arms) qui crève littéralement l’écran.
Et quand le surdoué Mickey rencontre la surdouée Judy Garland, leur duo de chant, danse et comédie, fait merveille à travers toute une série de comédies.
Car l’époque des années 30-40 est aussi celle des comédies musicales réalisées à grande échelle, surtout prétextes à d’éblouissants numéros et à une débauche de décors et moyens.
On essuiera une larme au bel hommage rendu à Judy Garland à travers notamment Le magicien d’Oz et au témoignage de Mickey Rooney, qui des années plus tard, évoque, les larmes aux yeux, sa merveilleuse complicité avec Judy et son amour éternel pour elle.
Tourné en 1939, Le magicien d’Oz évoque bien le passage à la couleur et le recours à des procédés comme le technicolor qui mettra encore plus en valeur la féérie des comédies musicales. Fort adroitement, le film commence en noir et blanc pour passer à un éblouissant technicolor à l’arrivée de Dorothy au pays d’Oz.
Lors de l’entrée en guerre des USA, les studios MGM se transforment en gigantesque machine de propagande pour soutenir le moral des troupes et louer les valeurs patriotiques et familiales. Et tandis que stars et anonymes de la MGM partent au combat, certains se couvrant particulièrement de gloire (comme James Stewart, Robert Montgomery et Clark Gable), les films prenant pour thèmes la guerre ou la famille se multiplient.
Ce second volet centré principalement sur les stars d’Hollywood et les divers métiers des studios (photographes, costumiers..) développe davantage que dans le 1er volet les extraits de films, nous permettant de revoir de grands moments de cinéma : Le baiser passionné de Rhett et de Scarlett devant l’incendie d’Atlanta dans Autant en emporte le vent, le retour de Lassie chien fidèle avec l’émouvant moment de ses retrouvailles avec Roddy MacDowall ou encore la belle chanson Over the rainbow chantée par Judy Garland dans Le magicien d’Oz.
Les témoignages venant à l’appui des divers films sont toujours très présents mais moins longs que dans le 1er volet.
Seule la dernière partie évoquant la guerre, acquiert un aspect plus documentaire historique, en présentant de nombreuses images d’archives et extraits d’actualité.
En refermant une seconde fois dans son décor de rêve les grilles qui matérialisent l’entrée de la MGM, Patrick Stewart nous annonce déjà les nuages qui vont rapidement commencer à s’amonceler dans le ciel radieux de la MGM, à l’aube des années 50.
A suivre……
Partie 3 : Le lion en hiver
En refermant les grilles de la MGM à la fin du 2nd volet du documentaire, Patrick Stewart nous annonçait déjà la période sombre qui allait suivre et précipiter la firme vers un lent déclin.
Pourtant, au lendemain de la guerre, s’ouvre pour la MGM un âge d’or. Elle enchaîne en effet les comédies musicales (Le chant du Missouri, Chantons sous la pluie, Escale à Hollywood..), les grands films familiaux (Les quatre filles du Dr March, Le courage de Lassie), les drames ou les films d’aventures (Quo Vadis, Les mines du Roi Salomon).
Le star system tourne à plein grâce à un ensemble de vedettes qui constituent des valeurs sûres (Gene Kelly, Spencer Tracy, Ava Gardner ou Judy Garland, pour ne citer qu’eux).
A la recherche du « meilleur » (sans jeu de mots) dans tous les domaines : orchestres symphoniques accompagnant les comédies musicales, recherche des meilleurs auteurs, photographes, décorateurs, acteurs et actrices, mise en place des plus grands décors…, Louis B. Mayer dépense des sommes folles dans ses somptueuses réalisations, nous offrant ainsi l’âge d’or des comédies musicales : Un américain à Paris, Ziegfield follies, Le chant du Missouri, Le pirate.
Les studios travaillent sans recherche de rentabilité et face à une nouvelle concurrence qui se développe rapidement, et vide en partie les salles de cinéma, celle de la télévision.
Le début des années 50 voit l’arrivée aux studios du producteur Dore Schary, venu épauler Mayer. La forte mésentente entre les deux hommes vient de leurs différences créatives et idéologiques concernant le cinéma, Schary privilégiant la recherche d’un réalisme et les films à message, ce qui s’oppose totalement à la vision des studios.
Le documentaire prend ainsi ouvertement parti pour Louis B. Mayer dont le portrait à charge des deux précédents volets, insistant sur sa tyrannie et sa méchanceté, s’atténue ici pour insister sur son amour des films beaux à regarder, à caractère familial « Je ne veux que des films que je pourrais voir avec mes filles » déclarait-il.
Il cédera finalement et quittera la MGM en 1951, au désarroi d’une grande partie du personnel.
Si les grandes productions continuent à être tournées, entrecoupées de films à message chers au cœur de Schary, les profits se font de plus en plus maigres et, en 1957, après la sortie de L’arbre de vie d’Edward Dmytryk, la MGM, pour la première fois de son histoire, est en déficit. Le déclin, amorcé après le départ de Mayer va alors s’accélérer, avec une réduction des coûts qui s’accompagne du licenciement d’une partie du personnel et le non renouvellement des contrats de certaines des stars mythiques qui avaient enchanté les années 40 et 50 (Clark Gable, Esther Williams, Spencer Tracy, Robert Taylor, June Allyson…)
Dore Schary est à son tour licencié et s’ouvre une nouvelle ère, accompagnant le changement d’époque. Le cinéma descend à présent dans la rue et quitte les studios ; les grands plateaux et décors sont laissés à l’abandon.
Rompant avec la flamboyance des comédies musicales et autres somptueuses réalisations de l’Ere Mayer, on retourne au réalisme, à la rue .. .et au noir et blanc.
Graine de violence et Marqué par la haine traduisent bien –déjà par leur titre - cette tendance, avec l’arrivée d’une nouvelle génération d’acteurs, souvent issus de l’Actor’studio tels Marlon Brando, Paul Newman ou James Dean. Ils représentent des personnages plus actuels, écorchés vifs, reflets des problèmes de société et de l’état d’esprit d’une certaine jeunesse des années 50-60.
Le brusque passage vers ce style de cinéma fait un choc certain dans le documentaire et nous arrache une grimace ou un soupir de déception, malgré la qualité de ces réalisations.
La fin des années 50 marque ainsi la fin du règne de la MGM. Dans le domaine des comédies musicales, le délicieux Gigi sera son chant du cygne. Pourtant, quelques grands succès sont encore à venir, maintenant à flot les studios pendant une dizaine d’années, et parmi eux une des plus grandes réalisations de l’histoire de la MGM, Ben Hur de William Wyler.
Grâce à son immense succès, Ben Hur permet à la firme de retrouver certains bénéfices, mais les dettes s’accumuleront au fil des années. Les studios passent alors aux mains d’investisseurs plus intéressés par la marque MGM que par des nouvelles réalisations et surtout peu intéressés par les immenses studios de Los Angeles.
Des moments forts tristes, mélancoliquement commentés par les témoins du documentaire (Mickey Rooney, Ricardo Montalban, June Allyson..) sont alors montrés : vente aux enchères du patrimoine jusqu’ici soigneusement conservé de l’histoire du cinéma, comme les souliers de rubis de Judy Garland dans Le magicien d’Oz, destruction des gigantesques décors eux aussi soigneusement gardés jusqu’à présent et démontage des lettres marquant le nom des studios MGM .
Seul Ted Turner, magnat des médias, tentera, dans les années 80, de sauvegarder les productions de la MGM, mais il devra vite céder sous le poids des dettes. Il revend toutes les activités pour ne conserver que les droits sur les milliers de films produits par le studio.
En refermant assez tristement le documentaire, Patrick Stewart veut cependant nous laisser sur une note optimiste, celle de la conservation des images tournées au fil du temps, éternellement conservées via les supports modernes et dont on pourra continuer longtemps à se délecter.
Le documentaire se clôture par un rapide résumé des grands moments du studio : Mickey Rooney et Judy Garland arrivent en bondissant et en chantant, Gene Kelly danse sous la pluie, Roddy MacDowall étreint Lassie retrouvée, Elizabeth Taylor galope aux bords de l’océan….Cette avalanche d’images accroît encore la nostalgie d’un âge d’or passé et on essuiera une larme à revoir des morceaux de ces films qui invitent au rêve, loin de la médiocrité d’une partie du cinéma actuel.
Le documentaire fini, je me suis précipitée sur mon grand livre racontant l’histoire de la MGM – La fabuleuse histoire de la MGM en 1714 films de John Douglas Eames – afin de me replonger dans l’atmosphère de ces années fastueuses.
A la fin de l’introduction, je suis tombée sur cette très belle devise, illustrant la ligne de conduite de la MGM et bien digne de refermer la critique de ce superbe documentaire : « Travailler dans le beau…, dans le grand…., dans la classe ! »
nb : Les studios de la MGM sont devenus aujourd’hui les Sony Pictures Studios suite au rachat du groupe en 2005.