J’adore la BD Michel Vaillant, une BD prenante et qui ne manque pas de qualités, malgré des défauts évidents, notamment des albums inégaux et des intrigues régulièrement tirées par les cheveux. Mais bon, sur le papier, ça fait simplement sourire. Seulement voilà, Luc Besson au scenar (déjà tu sens que c’est mal embarqué) n’a pas du réaliser que tout l’univers de Michel Vaillant passait en BD, mais en film, toutes ces idées ne sont pas bonnes à utiliser. Driven a fait beaucoup d’erreurs qu’on retrouve ici. Utiliser comme base l’album le 13 est au départ, un classique et un très bon opus, normalement, ça devrait être bon. Mais là, non.
(Spoilers)
On commence donc par la mère de Michel qui fait un vilain cauchemar. Elle rêve que son fils se fait tuer au Mans contre une Leader (l’écurie concurrente de Vaillante) qui porte le N°13, à cause d’un terrible accident, et son prototype explose. Et une fois réveillée, elle crie encore « Michel est dans les flammes ». Franchement ça vous est déjà arrivé vous, plusieurs secondes après votre réveil, de croire encore que c’était vrai ? A l'inverse, les rêves lucides sont bien plus fréquents.
La môman inquiète appelle son fils qui n’a rien d’autre à foutre que de parler sur un lac gelé en pleine nuit avec un vieil indien qui radote. Elle est très inquiète et elle pense que son rêve va se réaliser. Mais Michel ne participera pas au Mans cette année, et il n’y aura pas de Leader ni de N°13 au Mans, et selon lui il n’y en a jamais eu (pour un film qui veut rendre justice au Mans, merci pour l'hommage à l'équipe Courage). Bon, et bien c’est parfait, on est tranquilles, le film est fini ! A moins que...
Les premières scènes plus développées nous permettent de constater que, franchement, l’interprétation des acteurs en général, est très médiocre. Jusqu’au bout du film. Voici Michel et son meilleur pote Steve Warson dans un Rallye au Canada où, pour être honnête, les images sont classes. Ils se frottent au vilain méchant Bob Cramer, qui menace David, un petit jeune qui court pour Vaillant, qui l’avait gêné lors de l’épreuve.
Michel gagne le Rallye, et toute la clique se retrouve à la Jonquière, la maison familiale des Vaillant. Là, surprise ! Peugeot (Peugeot et Total sont les généreux partenaires du film) a appelé le père Vaillant, leur moteur sera prêt dans quelques mois, tout juste pour Le Mans, donc ils y vont ! Évidemment de nos jours, pour monter une équipe prête à aller au Mans, et plus encore pour le gagner, on peut s’y prendre 5 mois avant, en Janvier. « Ha vous avez le moteur que vous pensez être probablement rôdé pour la mi-Juin, avec un peu de chance ? Bon ok je vais créer le châssis et monter toute l’équipe d’ici là, tranquille ! On va gagner la course ! »
Quelques jours plus tard, nouvelle surprise ! Ruth, fille de l’ancien patron de l’écurie Leader annonce leur retour au Mans, avec la voiture 13. En plus elle est comme dans la BD (sauf que là elle est brune au lieu de blonde) à savoir très mauvaise. On retrouve les Vaillant pour un autre Rallye, le pauvre petit David se plante car le méchant Cramer a saboté sa caisse. C’était juste pour rigoler mais du coup sa voiture explose… mort… pleurs… enterrement… triste... tout ça.
Entre en scène alors la femme de David qui, précisons-le, est pilote, et va donc voir Jean-Pierre, le grand frère de Michel qui est patron de l’écurie, elle veut le volant de son mari pour le Mans. L’occasion de voir de fort belles photos de Jean-Pierre qui était pilote avant. On le voit juste casqué dans une voiture. Et à l’instar des photos de la fille du leader qui pose juste avec son père sur un circuit, toutes ces photos sont clairement de magnifiques montages. On se demande ce qui les empêchait de faire des vraies photos, je ne pense pas que ça aurait été plus dur.
Je voudrais parler brièvement d’une scène où la nièce de Michel (dans les 9 ans) conduit tout doucement une Vaillante dans le jardin de la Jonquière au grand dam de son grand-père. Michel monte avec elle et participe à la bêtise, il lui donne des conseils, bon, admettons... Mais à la fin, il lui dit de freiner, or elle ne peut pas car elle n’atteint pas les pédales. Ha oui, d’accord ! Euh, et comment elle a fait pour accélérer alors ?
Enfin bref, on continue donc avec une pub pour McDo (quand je disais que ça faisait penser à Driven) puis Michel qui affirme connaitre le circuit Bugatti du Mans par cœur débarque avec la femme de David. Il crâne à mort en disant pouvoir faire un tour de circuit les yeux fermés. Et là tenez-vous bien : Il lui demande de mettre ses mains devant ses yeux, de juste lui annoncer les panneaux 100, et il commence à faire le tour du circuit sans rien voir ! C’est tout à fait crédible, c’est ce qui me plait là-dedans. Les assurances seraient ravies de savoir ça ! Et puis, bien entendu, le circuit Bugatti du Mans est ouvert à n’importe qui la nuit.
Mais on n’a pas fini dans l’énorme : On arrive aux qualifications où une employée de Ruth tire au fusil sur les pneus d’un camion qui transporte les voitures Vaillante vers Le Mans. Le camion est accidenté sur l'autoroute. Oui, vous avez bien lu : Les camions n’ont pas encore amené les voitures jusqu’au circuit le jour des qualifications ! Oui parce que, les vérifications techniques de la place des jacobins, les essais libres, on s'en fout hein ?
Dans le stand, les pilotes et le staff demandent justement pourquoi elles ont été amenées si tard. Réponse de Jean-Pierre « C’est pour éviter les sabotages » Ha ben sois rassuré coco, ta stratégie a vachement bien marché. Mais il y a mieux, croyez-moi : Comme ils n’ont plus beaucoup de temps avant la fin des qualifications, Steve Warson et Michel Vaillant vont chercher les voitures eux-mêmes. Et les voilà qui repartent sur l’autoroute, à fond !
Les voitures sont déjà en totale condition pour courir, essence comprise. Du Driven dans le texte, mais en plus ils s’arrêtent à une station service (avec une pub « TOTAL » de 20 mètres de haut des fois qu’on la loupe) pour refaire le plein ! Les protos peuvent donner toute leur cavalerie en roulant au sans plomb 95, c’est bon à savoir. De surcroît, Michel dit au gars de la station « C’est une urgence, le pilote de l’hélico va venir vous payer » et PAF ils repartent. Alors il y a beau avoir un hélico qui suit les voitures en effet, le gars de la station est confiant, si l’hélicoptère n’était pas venu le payer il était mal…
On croit utile de nous faire le coup du faux suspense « Les voitures vont-elles arriver à temps ? » alors qu’on sait tous que ce sera le cas. La direction de course les autorise à rentrer sur le circuit n’importe comment, bon… et bien entendu, elles coupent de justesse la ligne, à 3 secondes du chrono, ouf. 3 secondes, pas une. J’imagine que le réalisateur a eu un bref sursaut de réalisme « Ca fera moins faux si je les fais arriver 3 secondes avant et non pas à la dernière seconde ! » Surtout qu’il nous fera le coup plus tard, mais j’y reviendrai.
Des précisions s’imposent : De nos jours il faut avoir bouclé bien plus d’un seul tour de qualification pour être qualifié. Notons également que les qualifications de jour sont de 19 à 21 heures. Quand elles s’achèvent là, le soleil indique sans équivoque qu’on est à un moment quelconque de l’après-midi mais sûrement pas 21 heures. Et the last but not the least on commence à avoir l’habitude, Michel et Steve n’ont aucun problème avec les autorités pour leur vitesse sur l‘autoroute.
Mais bon, au point où on en est, on peut aussi avoir l’employée de la vilaine fille du leader qui va saboter les pneus de l’écurie Vaillante. Une course poursuite s’engage entre elle et Steve sur le circuit en pleine séance de qualification, traversant la piste. Pour changer, Steve n’a aucun problème avec l’ACO ou la direction de course. Ruth donne donc de nouvelles indications à son assistante (et a priori compagne) : Elle va donc capturer Henri Vaillant. Je me demande si sabotage et enlèvement étaient dans les termes de son contrat au début de sa collaboration avec Ruth.
Donc voilà, Henri est dans les griffes de Ruth, qui est donc peut-être plus diabolique encore que son père, le Leader. Elle rencontre Michel et menace de le tuer à moins que Vaillante ne perde la course. On n’y croît pas une seule seconde d’accord, mais si c‘était la première fois du film… La course démarre donc avec les Vaillante qui se trainent exprès. Et là, on ne peut que comparer la réalisation du film Le Mans par rapport à celle-ci… si on vivait dans un monde parfait on devrait dire « C’est pas charitable pour Le Mans qui est sorti 30 ans avant ». Mais non, c’est Michel Vaillant qui fait tâche.
C’est remarquable, dans le mauvais sens, mais c’est remarquable, avec les moyens modernes, de faire nettement moins bien. On a un plan à la seconde, souvent serré, histoire de bien... rien voir. La musique n’aide pas. Il y a certes quelques plans sympas parce que les protos ne sont pas vilains et que c’est Le Mans, mais y’avait clairement moyen de faire bien mieux. Déjà, je n’aurais pas craché sur la présence à l’écran des vrais protagonistes de l’époque (Bentley, Cadillac, Audi)…
D’un point de vue narratif bon, on n’en attend plus rien à ce stade : Dans la course commence un jeu de chaise musicale, où les pilotes passent leur temps à s’échanger les baquets, un pilote blessé chez Leader, Michel le remplace sous la menace, mais du coup, dans sa propre écurie il est remplacé par la femme de David, mais Steve s’en mêle, etc, etc.
Arrive évidemment le fameux accident du rêve de la mère de Michel (une sorte de remake de la Mercedes CLK LM de 1999) qui s’envole. Quand on voit le making-of on se dit que y’avait moyen de rendre ça vraiment grandiose, ils ont vraiment propulsé le prototype à plusieurs mètres du sol. Au final, ça rend… bien. Ce n’est qu’à moitié un compliment car c’est juste bien, au lieu d’être géant. Même très furtivement, on aperçoit le fameux flou des passages où la voiture est faite numériquement, dommage.
La voiture retombe, prend feu et menace d’exploser. Michel et la femme de David sont dans les deux voitures, ce dernier va la sauver, et, encore une fois, quelle coïncidence, ils s’en sortent au tout dernier moment avant l’explosion. Michel et Steve ont découvert où était retenu le papa Vaillant et vont le délivrer. Ils peuvent donc à nouveau piloter au maximum mais, quelle coïncidence, le dernier pneu mis à la Vaillante est celui qui a été saboté plus tôt dans le film. Et, quelle coïncidence, la Vaillante crève dans le dernier tour. La Leader prend le large mais, quelle coïncidence, surchauffe moteur, elle s’arrête à quelques mètres de la ligne !
La Vaillante a crevé certes, mais elle revient doucement, donc le pilote de la Leader sort de sa voiture et la pousse. Je pourrais dire que normalement de toute façon on s’en fout car pousser sa voiture n’est pas autorisé par le règlement donc que ça n’aurait rien changé, mais ce serait plus important si c’était la plus grosse entorse du film. Car ce qui se passe après à l’écran est quand même énorme :
Ça va se jouer à 5 millimètres d’avance sur la ligne d’arrivée (à l’avantage de Vaillante, stupéfiant, non ?) ! Du grand art quand même. Et ils n'ont même pas été foutus d'être raccord sur les distances entre le plan large et les plans serrés sur les bagnoles. Mais voilà le gros coup de théâtre pour surprendre le spectateur et lui donner l’impression qu’il n’a pas foutu 8 euros totalement en l’air (je m’en fous j’avais une place gratuite à l’époque, ha ha !) Steve Warson, touché par une balle en délivrant le papa Vaillant, était en fait remplacé dans le baquet par Michel Vaillant. En forme le Michel : Il s’est levé à l’aube le Samedi, il a piloté bien 20 heures, n’a pas dormi, a affronté une explosion, une fusillade, mais il pète le feu à la fin !
Et chez Vaillante tout le monde est content ! A priori Michel et Henri ne porteront pas plainte contre Ruth pour toutes ces banales petites tentatives d’assassinat, et la femme de David est calmée, elle a foutu son poing dans la gueule de Cramer qui a tué son mari, je la comprends, ça ou l’envoyer moisir en taule 20 ans, c’est presque pareil.
Bref voilà, c’est un peu un plaisir coupable de voir ce film pour moi, mais c’est certain : Il est complètement débile. C’est dur de définir qui de Driven ou qui de Michel Vaillant est le pire. Michel Vaillant malgré les défauts de montage en affiche un peu plus question véritables images de course en raison de l’utilisation abusive d’effets numériques pour Driven, mais avec les méchants très méchants, Michel Vaillant a un scenar plus outrancier. Les deux sont à voir ne serait-ce que pour rire.