Redneck for a dream ?
Non, pas vraiment. Mickey and the bear se veut un film réaliste sur les petites gens d'un petit pays qui s'appelle les États Unis d’Amérique (je ne sais pas si vous connaissez). Réaliste dans les...
Par
le 25 mai 2020
3 j'aime
MICKEY AND THE BEAR (Annabelle Attanasio, USA, 2019, 89min) :
Une ode à la liberté, un épatant portrait doux amer d’une Amérique patriarcale, vu à travers le destin d’une jeune femme vivant sous le joug de son père, incarnée par la révélation Camila Morrone.
Pour son premier long métrage, présenté à l’ACID, au Festival de Cannes 2019, Annabelle Attanasio livre une chronique sociale poignante qui narre une relation fusionnelle et toxique entre Mickey, une jeune fille obligée de jouer le rôle de maîtresse de maison dans un mobile-home du Montana, et son père Hank, atteint du syndrome de stress post-traumatique après son retour de la guerre en Irak, et la mort de sa femme. Malgré un récit convenu, souvent abordé par le cinéma indépendant américain, la metteuse en scène apporte une touche personnelle à travers une mise en scène rigoureuse et naturaliste où chaque plan est bien réfléchi, aussi bien par le sens du cadre que par sa composition lumineuse ou colorée.
La réalisatrice, au plus près de son héroïne, dessine des brillants portraits sans jamais verser dans le misérabilisme, par le biais d’une écriture adroite tout au long du chemin initiatique de Mickey qui tente de subvenir aux besoins financiers du foyer en travaillant chez un empailleur d’animaux, et aux ravitaillements en médicaments auprès des psys, dont son père a viscéralement besoin. Malgré sa condition d’étudiante, l’horizon semble semble figé pour Mickey, enracinée dans ce morne destin qui la condamne à rester éternellement dans les griffes de son père bourru et sauvage.
Annabelle Attanasio filme avec acuité cette ville qu’elle connaît bien, emplie d’enseignes et de néons d’un autre temps, comme si le désespoir avait aussi résigné l’horloge du temps au cœur de cette petite cité rurale aux âmes perdues. Un lieu à l’atmosphère morne, aux rues désertiques, où, comme pour Hank depuis son retour de guerre et la mort de sa femme, le sablier du temps semble s’écouler lentement, entre prises d’anxiolytiques et verres d’alcool, avant sa propre mise en bière.
La cinéaste a tourné à Anaconda, et utilise parfaitement ce cadre de survie pour montrer le patriarcat quotidien, et la relation très ambiguë que le père inocule dans sa dépendance affective avec sa fille, devenue lors de certaines crises, sa deuxième femme. La caméra capte ce malaise comme une étreinte du serpent qui empoisonne toutes les velléités de libertés de Mickey. Les rares instants de tendresse n’effacent pas les nombreuses séquences de tensions chaotiques et de violences, à mesure que son adolescente tente de vivre sa propre vie de jeune femme. Une tragédie familiale qui évoque doublement en nous le cinéma de sa consœur Debra Granik, à travers Winter’s Bone (2010) et Leave no trace (2018), mais dont Annabelle Attanasio se libère en insufflant des vibrations intimes singulières au sein des fausses pistes narratives.
La cinéaste s’appuie également sur la justesse d’incarnation de ses interprètes, notamment la stoïcienne et lumineuse Camila Morrone – une révélation dont la carrière devrait décoller après ce magnifique rôle – pour décliner cette troublante histoire anxiogène, et l’émancipation d’une fille devenue femme trop tôt.
Venez soutenir ce précieux cinéma indépendant américain, et Mickey Peck dans son désir d’envol au sein de Mickey and the bear. Épuré. Vibrant. Rugueux. Touchant.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2020
Créée
le 17 févr. 2020
Critique lue 587 fois
7 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur Mickey and the Bear
Non, pas vraiment. Mickey and the bear se veut un film réaliste sur les petites gens d'un petit pays qui s'appelle les États Unis d’Amérique (je ne sais pas si vous connaissez). Réaliste dans les...
Par
le 25 mai 2020
3 j'aime
Pour un premier film, c’est vraiment pas mal. L’histoire n’a rien d’original mais c’est toutefois très réussi. Les plans et les couleurs sont typiques du cinéma indé américain (perso j’adore). On...
Par
le 14 févr. 2020
3 j'aime
Mickey et son ours de père vivent dans une carriole dans le fin fond du Montana. La lycéenne a semble-t-il perdu sa mère et voit depuis son père plonger inexorablement vers une dépendance aux opiacés...
Par
le 22 févr. 2020
2 j'aime
Du même critique
PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE (2018) de Christophe Honoré Cette superbe romance en plein été 93, conte la rencontre entre Arthur, jeune étudiant breton de 22 ans et Jacques, un écrivain parisien qui a...
Par
le 11 mai 2018
36 j'aime
7
MOI, TONYA (15,3) (Craig Gillespie, USA, 2018, 121min) : Étonnant Biopic narrant le destin tragique de Tonya Harding, patineuse artistique, célèbre pour être la première à avoir fait un triple axel...
Par
le 19 févr. 2018
34 j'aime
2
LA VILLA (14,8) (Robert Guédiguian, FRA, 2017, 107min) : Cette délicate chronique chorale aux résonances sociales et politiques narre le destin de 2 frères et une sœur, réunis dans la villa familiale...
Par
le 30 nov. 2017
30 j'aime
4