Six mois après avoir joyeusement bombardé la base américaine de Pearl Harbor (en laissant 2400 cadavres dans leur sillage), les Japonais avaient continué leurs emplettes dans leur conquête du Pacifique jusqu'à récupérer l'ensemble des territoires qu'ils pensaient leur revenir de droit. Emporté par la réussite de ses troupes et espérant avoir une position de force en vue d'un éventuel traité, l'amiral Yamamoto décida en 1942 d'éradiquer une bonne fois pour toutes les forces aéronavales ennemies avec quasiment toute la force de frappe dont il disposait. L'atoll de Midway devînt tristement le cœur de ces enjeux belliqueux où un assaut japonais de grande ampleur devait attirer la flotte américaine dans un piège fatal. Seulement, Yamamoto n'avait pas du tout prévu que les Américains étaient parvenus à décoder sa stratégie et que le Japon allait être ainsi entraîné dans une immense débâcle marquant un tournant décisif dans la Guerre du Pacifique...
Michael Bay avait posé sa caméra sur les événements de Pearl Harbor en 2001, c'était donc à l'autre-grand-bourrin-en-chef-mais-qu'on-aime-bien-quand-même aka Roland Emmerich d'aller mettre la sienne sur ceux en sens inverse de la bataille de Midway, quarante-trois après le film éponyme de Jack Smight et son casting cinq étoiles.
Eh oui, malgré le fait qu'il ait confronté l'humanité à des destructions massives de la main des aliens ou de Mère Nature elle-même, Emmerich ne s'était étonnamment jamais attaqué à un film de guerre stricto sensu. C'est donc désormais chose réalisée avec ce "Midway" qui peut légitimement engendrer quelques doutes après le désastre "Independence Day: Resurgence" et par le fait que la subtilité indispensable à la vérité d'un contexte historique ne fait pas vraiment partie du langage cinématographique d'Emmerich (bon, contrairement à Bay, lui va au moins s'essayer à des films plus modestes comme "Anonymous" et "Stonewall" où il n'a pas besoin de casser tout un continent)...
Heureusement, "Midway" va vite contredire ces craintes en débutant plutôt intelligemment par ce qui gouvernera l'approche d'Emmerich : l'humain en train de façonner l'Histoire à travers ses stratèges et leurs bras armés. Bien loin du spectaculaire attendu, le film débute ainsi par une simple conversation, celle de deux adversaires à distance en devenir, Yamamoto et Edwin T. Layton, l'Américain qui contrecarrera ses plans. Une logique qui s'étend ensuite quelques années plus tard avec l'attaque de Pearl Harbor en elle-même. Si, visuellement, la vision d'Emmerich de l'assaut surprise japonais s'avère bien moins impactante que celle de Bay, elle se différencie néanmoins par son point de vue appuyé sur le regard hagard des soldats pris sous le feu des bombes. Comme un symbole à la démarche d'Emmerich, l'équivalent du fameux plan-séquence mémorable de la caméra embarquée sur la chute d'un obus imaginé par Bay sera ici celui à la hauteur des yeux des soldats sur un de ces mêmes objets meurtriers chutant du ciel.
Le comparatif avec le film de Michael Bay s'arrêtera là à tous les niveaux. Point d'histoire d'amour mièvre ici (Emmerich n'oublie pas de traiter les sentiments malmenés des femmes de militaires mais les laissent en arrière-plan) ou de raccourcis historiques bizarres (le bombardement de Tokyo donnait l'impression de se dérouler quelques jours après Pearl Harbor dans l'Histoire selon Bay), "Midway" va justement s'attacher à la réalité du déroulement des événements et au contrecoup que Pearl Harbor va avoir sur les forces armées des deux camps (enfin, surtout US mais les Japonais ne seront pas oubliés). La montée en puissance du Japon dans sa soif d'expansion d'un côté, le besoin de revanche des soldats américains ainsi que la nécessité de ne pas répéter les mêmes erreurs de la part de leur commandement de l'autre, tout cela explosera évidemment dans l'énorme morceau de bravoure final à Midway où les piqués des avions US pour couler la flotte japonaise donneront le tournis (contrairement aux autres séquences du même accabit et moins abouties l'ayant précédé).
Dans l'ensemble, Roland Emmerich livre donc un film de guerre classique mais incontestablement solide, à l'image de son casting qui ne comprend pas forcément les noms les plus célèbres auprès des spectateurs (bon, on y croise tout de même Woody Harrelson ou Dennis Quaid) mais des acteurs au talent reconnu et taillé pour traduire la stature de ces héros américains malgré les stéréotypes qu'ils induisent (Patrick Wilson et Ed Krein à chaque extrémité d'une génération par exemple). Si, globalement, "Midway" ne marquera sans doute pas l'histoire du genre par son côté attendu, il permet de démontrer à nouveau le savoir-faire efficace de Roland Emmerich dans un cadre plus respectueux de la réalité que son confrère Bay. Pas indispensable mais un rappel bien mené et spectaculaire de cette phase méconnue mais cruciale de la Guerre du Pacifique.