La jeune fille et la mort
Pour son premier long-métrage en tant que réalisatrice, la comédienne italienne Valeria Golino, qu’on a pu voir notamment dans Respiro, Actrices ou Les Beaux Gosses, n’a pas choisi la facilité – au moins, accordons-lui cette ambition. En effet, elle dresse le portrait d’Irène, une jeune fille plutôt solitaire, que son entourage imagine étudiante, alors que, sous un nom d’emprunt, Miele, elle aide des personnes en phase terminale à mourir dans la dignité à l’aide de produits vétérinaires qu’elle se procure sans ordonnances lors de ses séjours réguliers au Mexique. Au sein d’une organisation clandestine, au sujet de laquelle la réalisatrice reste dans le flou, Miele assure avec tact et distance ses missions jusqu’au jour où son nouveau ‘client’, un certain Monsieur Grimaldi, a recours à ses services, non pour motif de maladie incurable ou dégradante, mais parce qu’il est à ce point dégoûté de l’existence qu’il préfère mettre fin à ses jours mais ne trouve pas lui-même le courage de se suicider.
Paradoxalement, Miele souffre de l’évolution volontariste du scénario qui conduit d’une part à la prise de conscience de la jeune fille sur son étrange activité (pas tant son bien-fondé que son rejaillissement sur sa propre vie) et d’autre part à l’ébranlement de l’homme désireux d’en finir dans ses certitudes, les deux se rapprochant dans une amitié intime, sinon équivoque et paternaliste. On préfère davantage le film lorsqu’il montre Miele dans l’accomplissement de ses missions, l’organisation de ses voyages et la complexité de ses rapports aux autres (père, amant, rares amis) biaisés par la falsification. Habitant une petite maison au bord de la mer, Miele éprouve le besoin viscéral de s’y plonger dans une intention de purification et, peut-être, d’oubli. Le film ne porte aucun jugement sur la pratique illégale (et très controversée en Italie, comme le montrait en avril dernier La Belle Endormie de Marco Bellocchio) de l’euthanasie, mais s’intéresse aux répercussions psychologiques sur Miele. Le ton est souvent inattendu, privilégie les ruptures à l’aune d’une héroïne fragmentée et perdue à laquelle la jolie Jasmine Trinca prête ses traits anguleux et androgynes. Le film n’évite cependant pas quelques afféteries (utilisation de la musique, flous artistiques et images très léchées) et fonctionne sur la répétition (les déplacements outre-Atlantique et les ‘opérations’ toujours captées avec justesse, sans apitoiement lacrymal ni détachement cynique), c e qui, au final, circonscrit l’ensemble à un tableau qui, dans une dénaturation dommageable, perd sa singularité pour gagner en convention et normalisation. Comme si, en définitive, Valeria Golino avait craint d’aller jusqu’au bout de son sujet inhabituel et (faussement ?) dérangeant.