MMXX
4.7
MMXX

Film de Cristi Puiu (2023)

Cristi Puiu n’a jamais fait dans la concession : après les films fleuves qu’étaient Sieranevada (2h53) et Malkrog (3h20), qui connaît son œuvre sait à quoi s’attendre : un cinéma clinique radiographant une société roumaine dansant au bord du gouffre, où des individus se réfugient dans des histoires étriquées pour tenter de maintenir les œillères nécessaires à la survie dans un monde dépourvu de sens ou de morale. Dès le sommet que fut La Mort de Dante Lazarescu, le cinéaste a su prendre le prisme des citoyens les plus communs pour composer une toile plus vaste, fondée sur la durée : du récit, par la pluralité des personnages, mais aussi du plan, en favorisant le temps réel où la vanité pourra lentement émerger, au fil de conversations et d’enjeux s’enlisant dans l’inanité ou se crispant autour de conflits inévitables.


MMXX reprend toutes ces notions dans leur plus sèche incarnation : construit en quatre segments distincts, vaguement liés par des relations entre les personnages, le film s’organise autour d’une série de confessions, avec pour toile de fond la crise du COVID. Un programme on ne peut moins glamour, dans lequel le cinéaste poursuit cette auscultation par le plan-séquence, parfois fixe, d’une caméra posée à l’endroit le plus pertinent, à savoir un espace et son ouverture (un vestibule, une porte) pour laisser la possibilité d’une irruption ou d’un déplacement.


La mise en scène varie néanmoins d’un segment à l’autre, prenant le pouls de situations plus ou moins vivaces : une séance de psy ou de récit d’une conquête amoureuse à un ami se fera davantage dans la rigidité que l’effervescence d’un repas d’anniversaire ou les arrangements nécessaires avec le milieu hospitalier pour pouvoir obtenir un rendez-vous.


Le film, encore plus aride que les précédents, ne cherchera pas à séduire le spectateur en le mettant à l’épreuve sur le temps long, face à des personnages pour lesquels l’empathie ne sera pas évidente. Mais la progression du récit prend son sens dans le dernier segment, inauguré par un parcours dans un jardin jonché de détritus, reprenant le thème de l’accouchement évoqué dans le précédent, en le faisant basculer vers la terrible question du trafic d’enfants. Face à ces aveux qui pourraient tout à fait nourrir un documentaire sur le sujet, le cinéaste ouvre progressivement les fenêtres des lieux auparavant clos, en confirmant qu’il valait mieux ne pas trop regarder dehors. Et cette fixité éprouvante d’un regard atone sur le chaos du monde fait communier personnages, cinéaste et spectateur dans un implacable sentiment d’impuissance.


(6.5/10)

Sergent_Pepper
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le 4 nov. 2023

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