Alors que la Cinémathèque française présente cet automne une rétrospective de son œuvre, le cinéaste italien Bernardo Bertolucci, absent des écrans depuis 10 ans, pour motif de maladie – il est dorénavant paralysé – fait son retour avec un film extrêmement modeste dans lequel il est difficile de ne pas voir une parabole lucide et cruelle. En effet, loin des superproductions que furent 1900, Le Dernier Empereur ou Un Thé au Sahara, l’inoubliable metteur en scène du Dernier Tango à Paris livre avec Moi et toi un joli et petit long-métrage intimiste sur l’enfermement et la fuite.
Adolescent solitaire, suivi par un psychologue (en fauteuil roulant, ce n’est certainement pas fortuit), couvé et protégé par une mère très présente, Lorenzo, pour ne pas se rendre au séjour à la montagne organisé par son école, prépare de son côté et avec méthode son retranchement dans la cave de son immeuble. Bientôt rejoint par hasard par sa demi-sœur Olivia, une droguée un peu paumée en recherche d’hébergement, Lorenzo doit accepter la cohabitation qui lui fera découvrir, en l’espace d’une semaine, les perspectives de l’altérité.
Le réalisateur élimine d’emblée la dimension sordide qu’on pourrait aisément associer au retranchement dans un sous-sol, puisque la cave en question tient davantage d’un appartement abandonné, servant à entreposer les reliques ayant appartenu à la vieille comtesse à qui le père de Lorenzo et d’Olivia a racheté l’endroit. Pourvu de toilettes, d’électricité et de lumière naturelle grâce aux larges vasistas, le lieu baigne dans les tonalités chaleureuses, rouges et dorées et apparait comme une sorte de douillet cocon.
Il n’en reste pas moins troublant que Bernardo Bertolucci traite l’isolement et le retrait comme des solutions envisageables pour peu qu’on se sente, à tort ou à raison, différents et incompris, rejetés et inadaptés. Diminué et affaibli, le réalisateur de Little Buddha s’est-il lui-même senti ou perçu suffisamment mis sur la touche (un trou d’une décennie dans sa carrière) pour revenir à pas feutrés avec un tel sujet ?
En offrant à son jeune héros une porte de sortie, le cinéaste fait encore preuve d’optimisme et de croyance. Certains y verront de la naïveté ou de la candeur, d’autres trouveront l’ensemble anachronique, voire vieillot (avec la musique de The Cure et David Bowie) et enfin d’aucuns penseront qu’il recourt à trop d’artifices pour extirper Lorenzo de son antre et ainsi dynamiser une trame susceptible de tourner en rond. Tout ceci n’est d’ailleurs pas entièrement erroné.
Il s’agit donc d’un petit film sans prétention, non dépourvu de charme et de fond, dont le principal mérite est de nous donner des nouvelles fraiches d’un des grands maîtres du cinéma moderne.