"Mon chien stupide" d'Yvan Attal : et moi, et moi, et moi

Un retour pour cette fin d’année 2019. Après Le Brio qui avait couronné Camélia Jordana aux Césars pour le prix du Meilleur espoir féminin, Yvan Attal revient derrière la caméra avec Mon chien Stupide, d’après le roman de John Fante. Les enfants, les amours, les emmerdes… Yvan Attal revient sur son sujet de prédilection : lui. Et ça donne quoi ?


La quatrième de couverture


Henri est en pleine crise de la cinquantaine. Les responsables de ses échecs, de son manque de libido et de son mal de dos ? Sa femme et ses quatre enfants, évidemment ! A l’heure où il fait le bilan critique de sa vie, de toutes les femmes qu’il n’aura plus, des voitures qu’il ne conduira pas, un énorme chien mal élevé et obsédé, décide de s’installer dans la maison, pour son plus grand bonheur mais au grand dam du reste de la famille et surtout de Cécile, sa femme dont l’amour indéfectible commence à se fissurer.


L’avis de Lettres it be


Avec Mon chien Stupide, libre adaptation du roman posthume de John Fante, Yvan Attal récupère pour son huitième film derrière la caméra un projet initialement mis sur pied par Claude Berri en 1985 puis abandonné. Pour ce faire, il s’est entouré de Charlotte Gainsbourg dans le rôle de sa femme (sans surprise), de Ben Attal (leur vrai fils), Panayotis Pascot, Adèle Wismes et Pablo Venzal pour jouer les 4 enfants de la famille Mohen.


Mon chien Stupide, c’est d’abord l’histoire d’un écrivain en perte d’inspiration et qui vivote sur ses rentes touchées il y a 25 ans (!) avec son premier livre à succès, Tyran. Ses enfants l’emmerdent, sa femme le trompe, rien ne lui réussit jusqu’à l’arrivée dans sa vie d’un mâtin napolitain, un immense chien noir aux babines tombantes. On attendait l’acidité revigorante et l’excès de John Fante, on a eu l’insupportable acidité d’un cornichon ayant baigné trop longtemps dans son jus. La cible est manquée de peu, mais c’est déjà trop.


Les premières minutes défilent, les personnages tous plus excessifs dans la caricature les uns que les autres se succèdent à l’écran. Yvan Attal fait la gueule, le film s’ouvre sur les tirades de la voix-off, celles que l’on entend dans la bande-annonce, histoire de bien comprendre dès le départ que tout va être affaire de répétition lourdingue. Premier gag du chien qui cherche à s’accoupler sur l’un des protagonistes. Il y en aura beaucoup (trop) d’autres ensuite… Le film a commencé à 18 heures 40. 2 heures après je regarde ma montre, il est 19 heures.


Parlons-en de l’humour dans Mon chien Stupide. S’il fallait un film récent pour illustrer les erreurs à ne pas commettre en matière d’humour de répétition, ce serait celui-ci. Mis à part les excès du personnage joué par Lola Marois (l’une des seules à sauver le navire), aucun gag ou presque ne fonctionne. « Mon chien est PD », le chien fornique les passants puis un autre chien que Henri Mohen déteste, quelques blagues sur le cannabis, c’est à peu près tout. Et si jamais vous craignez de ne pas les comprendre tout de suite, ne vous inquiétez pas : toutes ces blagues vous seront grassement répétée tout au long du film.


C’est la cinquième fois qu’Yvan Attal dirige sa partenaire dans la « vraie vie », Charlotte Gainsbourg. Après Ma femme est une actrice en 2001 et Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants en 2004, Yvan Attal a tôt fait de donner l’impression de boucler la boucle avec Mon chien Stupide. Le « vrai » couple est cette fois rejoint par leur « vrai » fils Ben, dans le rôle de l’un des enfants de fiction, Raphaël. Comme une impression de vie de famille à faire connaître. Et l’idée d’un film entier sous couvert de fiction n’était peut-être pas la meilleure… On assiste, de (très) loin, à une mise en abyme d’un couple qui juge nécessaire de parler de lui à travers la caméra et la fiction. Le roman de John Fante ne devient très vite qu’un prétexte, tout comme la présence canine de Stupide. Ça se voit, et ça donne l’impression de tenir pendant presque deux heures la chandelle entre son vieil oncle et sa vielle tante qui se bécotent et se surprennent à revivre les étincelles de leurs premiers temps.


Mais ce n’est pas tout… Assurément à l’aise au côté de Yann Barthès, Panayotis Pascot tire la langue pour sa quatrième apparition devant la caméra. Dans le rôle terriblement original de l’adolescent en manque de repères, Panayotis Pascot multiplie les scènes ratées et les émotions surjouées. Tout ça pour aboutir sur un « J’suis terrifié » qui restera dans les annales de l’acting façon publicité pour charcuterie en promotion. Après tout, ne s’est-il pas seulement mis au niveau ?


De la voix-off, procédé usé jusqu’à la corde, en passant par la scène du joint où les parents défoncés tirent à boulets rouges sur leurs enfants dans un fou rire pathétique et si peu communicatif, trop de choses sonnent faux. Et c’est poussiéreux.


Quand le manque d’inspiration est un tel moteur pour un projet artistique, l’heure de se poser les vraies questions semble sonner à chaque instant. Malheureusement, Mon chien Stupide aura vu le jour sans que ces interrogations ne soient abordées. Il en résulte un film inégal, au comique douteux et au nombrilisme lassant. Une solution pour retrouver le sourire : lire le roman.


Découvrez la chronique en intégralité sur Lettres it be : https://www.lettres-it-be.fr/du-c%C3%B4t%C3%A9-du-cin%C3%A9ma/mon-chien-stupide-d-yvan-attal/

Lettres-it-be
3
Écrit par

Créée

le 16 nov. 2019

Critique lue 1.6K fois

5 j'aime

Lettres-it-be

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

5

D'autres avis sur Mon chien Stupide

Mon chien Stupide
MassilNanouche
6

Deux moi moins un

Yvan Attal nous revient avec un troisième film sur le couple en forme de suite spirituelle et conclusion du cycle engagé en 2001 avec Ma femme est une actrice puis Ils se marièrent et eurent beaucoup...

le 22 sept. 2019

14 j'aime

5

Mon chien Stupide
Val_Cancun
4

A l'ouest! (de Rome)

J'aime bien Yvan Attal, son dernier film "Le brio" était une belle réussite, mais cette fois-ci je me suis ennuyé... Déjà, le mal-être d'un riche connard égocentrique vieillissant, je ne suis pas...

le 20 avr. 2020

10 j'aime

4

Mon chien Stupide
Seemleo
6

Des claques à toute la clique

Mon chien Stupide donne à priori l'envie de donner des claques à toute la clique qui déambule dans ce film de parvenus en mal d'être, comme on en croise par milliers dans la filmographie mondiale et...

le 23 nov. 2019

9 j'aime

3

Du même critique

L'Homme qui pleure de rire
Lettres-it-be
2

"L'homme qui pleure de rire" de Frédéric Beigbeder : la fin d'Octave Parango, et de Frédéric Beigbed

Après Une vie sans fin, autobiographie transhumaniste pas vraiment captivante, Frédéric Beigbeder revient en librairie ! En bon communiquant, l’auteur n’a choisi rien d’autre qu’un smiley pour titre,...

le 1 janv. 2020

12 j'aime

Destin Français
Lettres-it-be
7

"Destin français" d'Eric Zemmour : notre critique du nouveau livre de Zemmour

Après Le suicide français paru en 2014 puis Un quinquennat pour rien deux ans plus tard, Eric Zemmour revient en librairie. Cette fois, le polémiste (ou présenté comme tel) propose un essai-fleuve,...

le 7 oct. 2018

11 j'aime

2

Leurs enfants après eux
Lettres-it-be
4

"Leurs enfants après eux" de Nicolas Mathieu : bienvenue chez eux

Après s’être confronté au roman noir avec Aux animaux la guerre paru en 2014 chez Actes Sud dans la collection Actes noirs, Nicolas Mathieu revient du côté des rayonnages « Littérature française »...

le 1 sept. 2018

10 j'aime

5