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Aux anciens combattants des OPEX, et à ceux qui en ont aimé un un jour, ce film peut potentiellement coller une claque. Pour les autres, c'est comme regarder les films de famille de son voisin.
Assurément, toute personne qui a connu l'armée moderne - professionnelle - reconnaitra l'exceptionnel réalisme de l'ensemble.




La perception du film variera selon l'appréciation qu'on a de son style.


Perception des personnages filmés dans leur quotidien, offrant une forte identification. Laquelle permet de les suivre dans des tourments pourtant très "drame français". La retranscription des habitudes, manies, tics de langage, postures qui fondent le socle de cette vie militaire formatée est la base narrative du film. Si l'on ne voit pas ces normes, difficile de distinguer les dilemmes et les choix des héros. Encore faut il connaître et comprendre ces normes ce qui limite le public-cible.


Perception de l'ambiance intimement lié au milieu décrit. Une réalisation souvent documentaire, parfois esthétisée, qui s'autorise de très rares effets de style. Le rythme rebutera ceux qui recherchent un film de guerre-action - j'en parle plus bas. Il colle parfaitement au contexte taciturne de l'action. Contexte militaire où les catégories et grades régissent la parole. Contexte de la Légion où la maîtrise de la langue la limite. Contexte de guerre où l'on passe l'essentiel de son temps à attendre l'ennemi en silence.
Le choix d'un régiment étranger renforce ainsi la noblesse de la réalisation en couplant la forme et le fond. Il maintiendra également l'illusion que ces problématiques ne touche pas la "régulière".


Perception du temps d'une histoire liée par un montage elliptique, qui joue sur les ruptures de rythme. Difficile de s'y retrouver parfois car de grandes étapes de rencontres entre personnages sont éludées, des scènes clés laissées à l'intimité des protagonistes, l'absence de synthé impose de déduire parfois le lieu de l'action. Mais l'écriture rigoureuse laisse systématiquement les indices nécessaires pour lier le tout. Exigeant avec le spectateur, le film lui impose une implication dans le récit, là encore au profit de l'identification. Car oui, si certaines scènes sont longues à finir où à venir, c'est le propos du métrage : l'attente entre départs et retrouvailles ; la désorientation temporelle liée à l'absence de l'être cher.


Certes un film difficilement accessible. Mais surtout un film qui a réfléchi à la manière de construire un récit étalé sur trois ans, dans un milieu riche d'us et coutumes à rendre intelligibles, avec une complexité psychologique préservée ; en se payant le luxe d'être beau.




Un quasi documentaire donc, dont le réalisme me paraissait inaccessible au cinéma français.


Réalisme des dialogues et des personnages qui vient d'une direction d'acteurs exceptionnelle. Filmer l'armée française ici et (ou , ou ) a beaucoup été l'occasion d'exploiter une représentation collective, patchwork de souvenirs d'appelés, de carricatures satiriques, de documentaires et de spots de recrutement. Une fusion de l'Adjudant Kronenbourg et de Rambo.
Rachel Lang a fait l'inverse : elle reproduit ce qui existe - et qu'elle connaît - en naturaliste. Je suis estomaqué. Encore une fois, je me demande ce qu'à pu ressentir un allergique au kaki.


Réalisme des évènements qui piochent probablement dans l'inépuisable réserve d'anecdotes que constitue la vie militaire. Tout a été vrai ; est donc vraisemblable ; et sera donc crédible.
C'est du vécu, certes, mais surtout bien assemblé. Les combats sont montrés principalement du point du vue des comptes-rendus radio ou oraux. On comprend mal, comme à la guerre. On ne voit pas tout, comme à la guerre. On était pas forcément là. Comme à la guerre.
Par conséquent les faiblesses de rythme évoquées plus haut prennent tout leur sens : ce qui n'est pas montrable n'est pas montré. Pas d'omniscience.


Réalisme technique sur lequel je ne m'étendrai pas. Ceux qui connaissent savent. Ils auront aussi noté les quelques approximations, qui doivent probablement trouver leurs sources dans des problèmes de production et de budget. Les autres devront les croire sur parole.


Je pense que dans des décennies, ce film contribuera à dresser un tableau fidèle de certains aspects de la guerre au Mali, et de l'Armée de ce début de siècle.




L'analyse de sa classification est intéressante, quand on le compare à d'autres films similaires.
Les films de guerre sont souvent décrits comme ceux qui montrent la guerre. À ce titre American Sniper est un film de guerre ; parfaite idiotie. Le film de Clint Eastwood est un film d'action qui se passe pendant une guerre, sans dire grand chose du rapport des Hommes à la lutte. C.Kyle pourrait être un policier ou un super-héro, les enjeux seraient les mêmes, sauf quelques poncifs liés à la période traitée.
Mon Légionnaire n'avait probablement pas de budget hémoglobine, mais il montre comment le combat transforme les hommes, leurs relations, leurs proches, leur odeur. C'est la perspective du combat - préparation, recherche, dégout, désillusion - qui est au centre du récit. Le drame n'en est qu'une conséquence dont les effets ne ralentissent jamais le récit : c'est la guerre qui impose son rythme aux protagonistes.
Et si la France fait beaucoup la guerre, elle en fait rarement de bons films. Celui-là en est un.

Raginwald
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le 21 oct. 2021

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