Personne est parfait
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Mon nom est Personne sort en 1973, au crépuscule du western spaghetti, dont l'âge d'or aura duré une dizaines d'années. Par la suite les redites, parodies rigolardes et produits mal fagotés remporteront la partie. Le western italien ayant pris la relève de l'américain, le genre tombe alors dans la dégénérescence qui lui était promise, dont l'anticipation était au cœur de nombreux opus – déjà dans le Liberty Valance de John Ford en 1962. Mon nom est Personne est un dernier sursaut face aux cancers rongeant le western d'alors, où le grand-maître en personne s'attelle à la tâche.
Même si la réalisation est de Tonino Valerii (lequel, hormis Le Jour de la colère avec Lee Van Cleef (western de 1968), n'a pas une filmographie préoccupant les cinéphiles), le projet est chaperonné par Sergio Leone. Outré par les Trinita (1970-71) et la flopée de films à laquelle ces farces ont ouvert la voie, Leone semble balancer entre plusieurs tentations : il en reprend les ustensiles (à commencer par Terence Hill, l'acteur phare de cette berezina et l'interprète de Trinita), goûte à la comédie franche, discute des oripeaux d'un mythe tout en entretenant sa splendeur, certes probablement pour la dernière fois (ou avant une traversée du désert de ce mythe).
Pour faire la nique à la vague impulsée par Trinita, Leone s'accapare ce qu'il hait afin de mieux le contenir ; si le genre doit être défiguré, Mon nom est personne se dressera à la source d'une sinistre période pour nuancer le tout, renvoyer aux heures de gloire et détenir les clés du paradis englouti. Le film se nourrit donc de références importantes (avec Morricone transformant ses theme cultes), parle aux amateurs de Leone ou Peckinpah (Alfredo Garcia, La Horde Sauvage), évoque par le biais des dialogues ou de parodies savantes un univers riche et la puissance de son imaginaire par-delà les outrages du temps et des barbares.
C'est ainsi que Personne (T.Hill), inconscient de la charge qu'il porte et du monde dans lequel il est venu poser le pied, poursuit Jack Beauregard (Henry Fonda), la légende de l'Ouest qu'il pousse à la reprise, bien que Jack aspire au repos pour ses vieux jours. Mais le destin rattrape la légende et le valeureux cow-boy la personnifiant : Personne, le Trinita amélioré, l'indique et en est le témoin, lui qui se trouve à son tour exposé à une vocation trop grande pour lui. Leone (producteur et scénariste) développe cette rhétorique avec sa relative finesse et de manière implacable, condamne le cynisme, les intrusions et le vol des libertés caractérisant une ère moderne où les héros (sales et méchants y compris) seront en exil.
Cela donne quelques belles envolées, physiques ou dialoguées, comme lors du final avec la lettre de Fonda/Beauregard suite à l'artifice censé damner le héros dans son archétype sublime. Cependant le film n'est pas seulement sophistiqué, c'est aussi un cousin du western fayot trempant dans la comédie lourdinque. Les séquences humoristiques 'dures' sont plutôt médiocres et visent seulement le gras troupier. Ce pan du film l'abaisse bien plus sûrement que les lenteurs qu'on lui trouvera ça et là.
Les effets accélérés ou toutes les outrances dans ce registre (le running gag autour de la manipulation du pistolet, les emprunts directs à Trinita importés par et sur Hill) participent à cette dégradation, néanmoins sous contrôle et en parodiant des jeux ou des festivités propres à l'Ouest sauvage, non aux Bidasses italiennes. Par ailleurs la réalisation est excellente et Valerii (à la base son assistant) est partenaire de Leone, pas gommé par lui – d'ailleurs, certaines scènes optant pour le trivial profond sont signées ou renforcées par Leone. Enfin les dialogues, dûs totalement à Leone eux, tendent au génie.
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Créée
le 31 juil. 2015
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