La profonde sympathie que procure Moonwalkers tient certainement à la liberté avec laquelle il investit plusieurs genres, de la comédie au polar en passant par le trip psychédélique, mêlés avec justesse et efficacité, pour un scénario qui cultive l’excentricité sans jamais se prendre au sérieux. Le film est un corps composite et instable mais dont les membres se meuvent comme par enchantement : rien ne devrait tenir ensemble, mais ça tient quand même, à l’image de l’alliance entre le Ron d’Harry Potter et un Ron Perlman délicieux en gros bras ultraviolent qui trouve dans la consommation d’acides un exutoire à ses hallucinations – le traumatisme du Vietnam ne cesse de contaminer sa perception diurne. Lorsqu’il pénètre dans le vagin de l’hôtesse d’accueil (comprenons, la porte d’entrée de l’immeuble) et fait la connaissance d’artistes azimutés, Perlman renaît en modèle que la caméra examine, sculpte, révèle dans sa beauté brute ; l’acteur trouve là son rôle le plus érotique, un érotisme qui mêle pulsion de vie et de mort, qui revient aux origines de la création.
Antoine Bardou-Jacquet fait feu de tout bois, fonce tête baissée dans le n’importe quoi pour un résultat hors de toute subtilité, mais diablement efficace et jouissif ; son entreprise s’apparente à une démolition du symbole, renvoyé à son artificialité congénitale puisque simple construction et orientation du sens en fonction des attentes d’une puissance supérieure. Un long métrage imparfait, truffé de petits défauts et de lourdeurs, mais qui tire de ses imperfections une énergie folle.