A Star is Porn

Mope est un film qui se base sur un fait divers réel survenu à Los Angeles en 2010 et nous raconte ainsi l'histoire vraie de Stephen Clancy Hill allias James Driver et de son ami Herbert Wong allias Tom Dong qui furent surnommés les Chris Tucker et Jackie Chan du porno. Le film est surtout une saisissante plongée dans l'univers de la pornographie à travers le destin tragi-comique de ses deux potes apprentis hardeurs se rêvant stars et millionnaires dans une industrie à la fois florissante et complétement à l'agonie.

Mope c'est le therme qui désigne les moins que riens de l'industrie pornographique, les figurants qui n'existent que le temps d'agiter leur sexe pour une éjaculation dans des séquences de pluralité masculine. C'est là que Stephen et Herbert se rencontrent et décident de trouver une place bien plus valorisante au sein de l'industrie afin de devenir respectivement le John Holmes black et le Bruce Lee du porno. Les deux hommes se font engager dans un petit studio indépendant qui produit des films aux pratiques extrêmes pour tenter d'exister. Les deux amis prêt à tout plongent alors dans un univers sans retour.

Mope de Lucas Heyne est un formidable premier film qui fonctionne sur différents niveau nous proposant à la fois une touchante histoire d'amitié, cette éternelle quête de célébrité pour des sans grades et des obscurs et une froide et clinique représentation de ce qu'est partiellement devenue l'industrie pornographique. Mope c'est le rêve américain qui bande mou c'est le besoin viscérale d'exister noyer dans la masse d'un terrifiant et gigantesque gang bang. Si le film est le portrait touchant d'une amitié entre deux loosers prêt à tout pour exister le film se concentre surtout sur le personnage à la fois pathétique, inquiétant et touchant de James Driver. Magnifiquement interprété par Nathan Stewart-Jarrett qui livre ici une sacrée performance, James driver est un personnage complexe et riches en contradictions, sorte de clochard névrotique à l'hygiène douteuse l'homme est intimement persuadé qu'il pourra devenir une superstar du porno alors que l'industrie ne génère plus que des scènes de cul aux kilomètres avec des acteurs et des actrices interchangeables et anonymes. Cultivant sa particularité , rêvant de sortir du lot, poursuivant un rêve impossible James driver est capable de tout, de la plus basse des humiliations à se faire frapper ou nettoyer les déjections sur le plateau comme des expérimentations les plus ridicules (et drôle) en hurlant son nom en plein coït ou en agitant des mains de monstre ou de poulet pour se faire remarquer. Mais au delà de toute cette pantomime ridicule, des bassesses, des coups de latte dans les testicules, des tournages un peu sordides, des pratiques dévalorisantes James Driver veut surtout exister aux yeux des autres, de son père, de l'industrie, du public et trouver au bout du compte une femme juste à lui. James Driver souhaite être quelqu'un dans une industrie dans laquelle il n'existe déjà plus personne.

Mope nous entraine également dans le quotidien d'un petit studio pornographique qui tourne des films aux kilomètres en tentant de se distinguer par quelques productions de niches visant des spectateurs aux gouts assez particuliers. On est à la fois amusé par cet univers marginal qui ressemble à une famille peuplé de personnages étranges avec des surnoms improbables et des pratiques qui ne le sont pas moins, mais parfois également bousculé dans ce voyage en apnée vers l'enfer du décor. Loin de l'âge d'or de la pornographie, on cultive ici les pratiques extrêmes et un peu glauques avec des réalisateurs qui s'immisce dans le tournage, des filles fatiguées et des séquences qui ne respirent plus beaucoup les joies de galipettes. Même si on s'amuse souvent, on ne sera tout de même pas loin de toucher le fond lors d'une éprouvante et très émouvante séquence durant laquelle James doit livrer sa petite amie toxico à un gang bang durant lequel il se fait humilié verbalement par tous les participants. Même si Lucas Heyne n'occulte rien du monde un peu glauque qu'il nous donne à voir le réalisateur ne sombre jamais dans la vulgarité gratuite, la surenchère ou la provocation et nous livre avant toute chose un saisissant drame humain porté par une direction d'acteurs remarquable. Encore une fois Nathan Stewart-Jarrett est formidable tout comme son comparse Kelly Sry dans le rôle un peu plus en retrait de Tom dong mais il faut également saluer Brian Huskey génial dans le rôle du réalisateur producteur qui embarque James et Tom dans la spirale et David Arquette qui incarne un réalisateur auteur de film de boules pas trop encombré par les préjugés raciaux. Et puis il convient aussi de citer Jonathan Snipes qui signe la très bonne et très belle musique du film.

Mope est un film dur et âpre parfois traversé de moments de comédie trash mais le film de Lucas Heyne est surtout un drame assez intense, prenant et poignant.