C'est sur un modeste fondu au noir que se termine Mortal Engines, laissant dériver au loin le vaisseau rouge de Tom et Hester et faisant place à une partition bien triste après ce happy-ending hollywoodien, contraste symbolique d'une audience à l'opinion mitigée qui quitte rapidement la salle...



Rentrons dans le vif du sujet



Le film s'ouvre sur une scène jacksonesque : la cité-mobile de Londres s'attaque à une bourgade de marchands itinerants, Hugo Weaving aux manettes de cet engloutissement magistral. Tout y est : les effets spéciaux, les travelling à couper le souffle, la musique et les décors titillant la case mémoire "Mad Max" du cinéphile occasionnel. On pourrait en avoir pour son argent ... sauf qu'on a déjà tout vu ! Cette scène d'introduction étant le cœur de tout le contenu promotionnel, elle n'est qu'un spectacle, certes magnifique, mais sans aucun suspens.


Sautons sur l'occasion pour décrier un système de mise-en-bouche qui malheureusement fait bien souvent perdre de l'intérêt à un film, surtout pour nos blockbusters modernes.


Le spectateur attend convenablement sur son siège le coup de poignard d'Hester à Thaddeus Valentine, auquel il a déjà assisté des millions de fois dans les teaser / trailer / bande-annonces. Passé la première demi-heure le film peut enfin commencer !



Deus ex machina, iterum et iterum



Nos personnages se voient embarqués dans une série de péripéties pleines de dangers et les voilà aux portes de la mort toutes les dix minutes pendant une bonne heure de film. Sauf qu'à chaque fois, un petit miracle sort de nulle part pour les sauver ! Le deus ex machina est un dénominateur commun du cinéma à grand spectacle mais il est dur de pardonner une utilisation abusive de cet outil, bien qu'il soit pratique.


L'histoire perd de la crédibilité tant elle enchaîne les coïncidences, notamment géographiques, étant donné que tout se passe "en Europe" (sans beaucoup plus de détails). Une multitude de personnages viennent se joindre un peu par hasard à la quête, et on sent bien ici qu'on touche aux limites de l'adaptation.



L'art de l'adaptation



Ce que je vais dire ici est à prendre avec des pincettes car je n'ai pas lu le livre. Il semble pourtant que le scénario essaye d'ajouter le plus d'histoires, de personnages et de détails possibles pour coller à l'oeuvre originale. Ces choix visuellement satisfaisants viennent troubler une ligne narrative par des sous-intrigues à mon avis mal choisies.


Il est évident que nos amis néo-zélandais ont encore une fois réussi un chef d'oeuvre de direction artistique. On croit à l'univers steampunk qui nous est présenté et on aurait envie d'en voir plus, d'en connaître plus, notamment sur les "anti-tractionnistes" et leur paradis alpin. Qui refuserait un tour en aérostat pour voir d'autres villes mouvantes (osons le chauvinisme, on rêve tous d'une Tour Eiffel flanquée au sommet d'un gigantesque tas Haussmannien se mouvant au milieu d'une Europe dystopique du 32ème siècle) ou le "grand-pont", brièvement mentionné, qu'on imagine relier la Grande-Bretagne au continent ?


Mais non, le film se limite à 2h d'action et des regrets d'amateur d'univers de fiction. Il n'était pourtant pas bien compliqué de gagner du temps en supprimant l'arc narratif de Shrike qui n'amène que de l'action (et quelques deus ex machina supplémentaires) et finalement pas grand chose à la construction du personnage d'Hester.



Peter Jackson, Christian Rivers, Fran Walsh, Philippa Boyens



Le petit protégé de Peter Jackson signe ce blockbuster Wellywoodien qui n'offre pas beaucoup plus que ce que l'on attendait de lui. Mais on ne peut pas en vouloir à Christian Rivers dont il s'agit du tout premier long-métrage ... Franchement pour un premier, chapeau-bas !


Le scénario est écrit par les trois mousquetaires du Seigneur des Anneaux : Peter Jackson, sa femme Fran Walsh et leur amie de toujours Philippa Boyens. On retrouve de manière assez évidente la patte de Jackson, dans la grandeur cinématique des scènes et dans le "toujours plus" très visuel qui donne ce style romantique au film (comprendre romantique comme Wagner pas comme une comédie de Woody Allen).


Walsh et Boyens quant à elle se concentrent plus sur la construction des personnages, ce qui avait permis au Seigneur des Anneaux de sortir la fantasy de son trou au début des années 2000, en apportant un ton sérieux à l'adaptation de Jackson. Ici je trouve qu'elles ont tout à fait réussi le personnage d'Hester qui, à l'encontre de pas mal de choses dans ce film, ne me paraît pas surfait mais bien crédible. Le personnage est attachant, il a de vrais motivations et Hera Hilmar en dresse un portrait convaincant.



TLDR : Mortal (rendering) Engines



Sans briller par une réalisation qui ne prend pas vraiment le temps de souffler en nous trimbalant de scène d'action en scène d'action, le film confirme sa réalité de grande fresque steampunk comme il s'était annoncé.


Manquant d'installer un peu plus son univers, il repose néanmoins sur un socle visuel solide acquis après de nombreuses années d'évolution de la CGI, aujourd'hui complètement maîtrisée par Weta Digital. Malgré de nombreux opposants aux images générées par ordinateur (CGI), il semble qu'en 2018 nous avons atteint un stade de maîtrise suffisamment élevé pour que cette technique ne soit plus considérée comme de la magie noire mais plutôt comme un art abouti. Reste à voir qu'elle ne peut pas tout faire dans un film ...


Des acteurs qui n'ont pas vraiment l'occasion de convaincre mais font le boulot, une musique mad-maco-wagnérienne signée Tom Holkenborg (aka Junkie XL), des visuels à couper le souffle et des scènes de batailles aux allures d'un Star Wars XLII Steampunk, font tout de même du film un bon divertissement en cette fin d'année. Mortal Engines avec sa direction artistique soignée et cohérente passe au delà du blockbuster "CGI entertainment" par l'apport d'un univers crédible et réaliste. Il n'atteint malheureusement pas mes attentes en terme d'histoire, je n'ai plus qu'à aller lire le livre pour savoir à qui revient la faute !

VieuxDragon
7
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le 13 déc. 2018

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Vieux Dragon

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