Roule Britannia

Je n'ai pas lu les livres. Autant la SF au cinéma, j'adore ça, autant en littérature, j'ai plus de mal.
Du coup, je ne peux juger de la qualité de l'adaptation, de sa fidélité ou si, ce qui me semble à moi un très bon scénario bien fait, est en fait une version abâtardie de quelque chose de plus complexe et/ou de bien meilleur.

Quoi qu'il en soit, ce film est bien. Vraiment bien sur tous les plans.

Le scénario est cohérent, a un début, un milieu et une fin (un peu brusque, je l'admets), des enjeux lisibles et c'est suffisamment rare pour le noter ces dernières années.
Les personnages sont correctement présentés et développés. Il est clair que certains sont plus développés que d'autres car la saga semble prévoir plusieurs films (celui-ci s'est planté, je crois, donc je ne pense pas que le reste soit en chantier). Mais même pour ceux présentés en seconde partie de film, quelques scènes, regards, petits dialogues créent des liens, des relations et autres qui leur donnent un peu de relief.
En tout cas, j'en ai vu plus que dans d'autres films moins touffus.
Car l'intrigue est riche. Entre la présentation d'un monde complet, de son fonctionnement, de ses strates et des opposants au système en place, des personages nombreux et une action qui commence in medias res, on aurait pu être submergé mais pas du tout.
La réalisation et le scénario rendent l'immersion dans ce monde très fluide et compréhensible.
En quelques plans, on a compris que les villes sont sur des roulettes, qu'il y a des grosses villes et qu'elles mangent les petites, avec en prime quelques relents nauséabonds de colonialisme et d'ethnocide transmis visuellement au spectateur pour faire réfléchir un peu.
En quelques plans, on a compris que la jeune fille sans nom que l'on suit est courageuse et qu'elle est aguerrie; en un regard, on a compris sa haine de Valentine et son projet meurtrier.
Et ainsi de suite.

Pour ce qui est du scénario, je n'aurais que 2 critiques sur des points qui m'ont vraiment fait tiquer.
Tout d'abord lorsque notre attachant nerd bibliothécaire, Tom (fort sympathique et talentueux Robert Sheehan) balance tous ses secrets à la fille de Valentine, y compris son coffre secret plein de matos hyper dangereux, j'ai du mal à le croire. Ils n'ont pas l'air de se connaitre plus que ça lors de leur première scène. Ce n'est donc qu'un moyen de montrer le macguffin (le matos technologique)
Et le second, c'est Shrike. Tout ce qui entoure ce personnage est inutile. Certes, cela enrichie l'univers mais il n'est qu'un opposant qui ne fait pas avancer l'action principale, qui ne résout rien et n'engendre pas non plus de difficultés majeures. C'est un obstacle factice qui n'est là que pour créer des scènes d'actions catastrophes. C'est dommage. Si on l'enlève, le parcours de nos héros n'en est pas plus facile (à part la passage dans la cité flottante qui n'avait pas besoin de partir en flammes) et cela ne fait pas vraiment évoluer Hester psychologiquement.
C'est peut-être quelque chose qui aurait servi dans le suivant mais en l'état, c'est un peu un cheveux sur la soupe.

La réalisation est lisible et nerveuse quand c'est nécessaire et prend son temps pour établir ses environnements quand il le faut. Les images sont belles et évocatrices.
La casting est impeccable de Hera Hilmer, vraiment défigurée par une cicatrice (oui, c'est toi que je regarde héroine insipide de Ready Player One), campe une jeune femme pleine de caractère avec brio. Robert Sheehan est très bien en zone de confort : il est très expressif et il insuffle beaucoup d'humour à un personnage qui aurait pu être un boulet.
Les 2 autres jeunes gens sont bien campés mais plutôt laissés pour compte dans l'intrigue.
Hugo Weaving est, comme à son habitude, impeccable et impérial en Thaddeus Valentine, tout en murmure suave à la Pierce Brosnan pour finir un peu plus échevelé et rugissant mais toujours dans le contrôle.
La musique est bien intégrée et épique comme il faut quand il le faut.

Le film n'échappe pas à quelques clichés comme

mais rien de rédhibitoire non plus, cela fait plus sourire qu'autre chose, le scénario n'essayant pas de renouveler le concept mais s'axant plus sur la construction d'un monde.

Une très bonne surprise en ce qui me concerne, bien faite et pas ennuyeuse.