Mulholland Drive par Gérard Rocher La Fête de l'Art

En pleine nuit sur la petite route de Mulholland Drive, située en surplomb de Los Angeles, un accident de la circulation se produit. La survivante, Rita, est une femme séduisante qui parvient à regagner la ville et à s'y cacher mais visiblement le choc qu'elle a subi l'a rendue amnésique. Au même moment Betty arrive à Los Angeles avec le fol espoir de conquérir Hollywood. En entrant dans son logement, prêté par sa tante, elle découvre Rita sous la douche ainsi que son sac à main contenant une imposante liasse de billets de banque. Betty va tenter de percer le mystère de cette "locataire" inattendue et de lui faire retrouver la mémoire. Une ardente complicité va alors lier les deux femmes pour le meilleur et...pour le pire.


En suivant le chemin de Mulholland Drive sur lequel David Lynch nous débarque brusquement et d'une façon peu banale, je me laisse aller à prendre les scènes, les événements tous plus énigmatiques les uns que les autres comme ils viennent. Je ne lutte pas pour essayer de comprendre une histoire. Non, je me retrouve au sein d'un mauvais rêve dont je ne peux pas m'évader. Ce rêve me trouble au plus haut point par sa curiosité, par les mystères qu'il suscite, par l'esthétisme et l'ambiance très particulière de Los Angeles que l'on pourrait baptiser "La Cité des Anges Exterminateurs". Je suis moi aussi au milieu des démêlés de ces deux femmes si différentes semblant malgré tout unies à tout jamais par un lien invisible mais bien réel. Je me trouve bien dans cet enfer d'Hollywood, cet endroit mythique où tous les espoirs semblent permis, cet endroit où tant de rêves de gloire s'écroulent et se brisent tel un verre de cristal que l'on écrase d'une main ferme et brutale. Le lieu est imposant et secret, le factice l'emporte sur le réel au grand dam notamment de ces deux femmes Betty et Rita aux personnalités si opposées. Le réalisateur sème tout au long de son œuvre des indices tous plus inquiétants mais tous plus parlants les uns que les autres au travers de cette énorme ville brillante, la nuit, de mille feux. Elle est alors séduisante, trop irréelle. Elle devient inquiétante lorsque la brume recouvre les ruelles étroites où, à chaque instant, se devine le danger qui se profile. En fait c'est Hollywod que l'on dépeint, cet Hollywood dépravé qu'un illusionniste, sur la scène d'un théâtre perdu dans une rue morne de la ville, nous flanque à la figure devant le regard bouleversé et terrifié des deux héroïnes.


Il est ardu de se lancer dans le commentaire de tous les détails, plus envoûtants les uns que les autres, suggérés par David Lynch. Personnellement je me suis senti déstabilisé à la fin de cette étrange séance. Rarement je ne me suis autant posé de questions après avoir vu un film. Que d'espoirs déçus suscités par cet empire où la démesure l'emporte à tout coup sur la raison!
Le but n'est pas ici de suivre une histoire précise. Le réalisateur joue avant tout sur la sensibilité du spectateur. Tout semble imaginaire, irréel mais tout est illusion pour mieux nous faire prendre au piège de cet univers implacable. La petite "provinciale" candide qui rêve de se faire une place dans le milieu du cinéma tombe devant un miroir aux alouettes pour mieux se faire engloutir. Ce personnage plein de sensibilité est magnifiquement interprété par Naomi Wattis. Elle forme un duo magique avec Laura Elena Harring, la femme fatale et mystérieuse devenue amnésique.


Tout n'est qu'illusion dans ce film pour mieux nous interpeller sur ce milieu que l'on croit paradisiaque mais qui peut se révéler un enfer. David Lynch avec cette œuvre est absolument magistral. Son imagination est débordante lorsqu'il nous filme cette immense ville sous ses facettes les plus séduisantes comme les plus sinistres. Los Angeles apparaît comme une femme belle et fatale prête à ensorceler celles et ceux qui se laissent prendre par cette toile tissée invisible.
Des personnages troubles et fantasques complètement inattendus sont semés tout au long du film par le réalisateur pour nous guider dans ce marasme ambiant. Ce qui est sûr c'est que cette œuvre me colle à l'esprit. Il m'a été difficile de m'arrêter sur une note car cette œuvre demande un certain recul pour la juger au regard de son originalité et de sa complexité. Après mure réflexion je donne la note maximum car je ne suis pas près d'oublier cet étrange et passionnant voyage que m'a offert MONSIEUR David Lynch à travers une somptueuse mise en scène.


Ce film a obtenu :



  • Festival de Cannes 2001:
    • Prix de la mise en scène, ex æquo avec The Barber des Frères Coen.

    • César 2002 : meilleur film étranger.

Grard-Rocher
9
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Créée

le 21 sept. 2014

Modifiée

le 4 mars 2014

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