Sublime au commencement, dérisoire à la fin

Ce film aurait mérité 9/10, si les dix dernières minutes n'existaient pas.

Pour les deux heures qui précèdent, il en vaut largement le détour : c'est un portrait sombre et émouvant de l'Amérique profonde, une réflexion sur les liens entre passé et présent.

Mais la conclusion est un véritable massacre, en faisant la promotion d'un modèle de masculinité toxique : tout ce que l'on retient de ce film, c'est que Jimmy, le personnage joué par Sean Penn, a bien agi en faisant justice lui-même - car s'il ne l'avait pas fait, il aurait été lâche et faible.

Le meurtre de Dave par Jimmy est ainsi entièrement légitimé par l'idée qu'en tant qu'homme fort et viril, c'était la bonne chose à faire, et la culpabilité et le remord qu'il pourrait ressentir suite à cet acte atroce n'est même pas évoquée. La vérité est que Jimmy est un connard égocentrique et sanguin qui se noie dans sa fierté, sans parler de sa femme qui nage en plein délire à flatter l'égo de son mari.

Dave est le grand perdant de l'histoire, quand il aurait dû en être le point d'ancrage : la fin se concentre sur la prétendue victoire de Jimmy, rayant complètement les conséquences de cet acte abominable et barbare de l'esprit du spectateur, quant ce dernier aurait préféré voir justice rendue pour le meurtre de Dave. Quid de ses traumatismes à lui ? Par ailleurs, la non-arrestation de Jimmy par Sean est parfaitement insensée.

Ce qui débutait comme une fresque magnifique sur la fatalité du destin et le déterminisme social s'achève sur une glorification de la vengeance, quand Eastwood aurait pu conclure ce qui aurait été un chef-d'oeuvre, sur le remord et l'impardonnable : non pas, "un innocent est mort, mais j'ai fait ce que j'avais à faire", mais "un innocent un mort, et je ne me le pardonnerai jamais". Eastwood tue Dave une seconde fois.