Sometimes I think, I think all three of us got in that car...

Policier/thriller sur fond de traumatisme de jeunesse, Mystic River, réalisé par Clint Eastwood, est déjà un classique.

Il est impossible faire une critique de ce film sans s'arrêter sur la performance de ses acteurs. Le trio principal formé par Sean Penn, Tim Robbins et Kevin Bacon est magistral. Chacun incarne un personnage torturé, pris entre un traumatisme latent depuis l'enlèvement de l'un d'entre eux donc aucun ne s'est remis, et leurs problèmes personnels.
Sean Penn frôle le génie en père de famille endeuillé, ancien malfrat aujourd'hui rangé mais qui n'a pas vraiment changé ses fréquentations. Assoiffé de vengeance, il essaie de ne pas se laisser dominer par ses émotions et se sent toujours coupable de ne pas avoir été celui qui est monté dans la voiture 25 ans auparavant.
Tim Robbins est lui aussi excellent. Vicitme d'abus dans sa jeunesse, il est resté gravement marqué par ce qui lui était arrivé et perd vite les pédales. Coupable idéal et incapable de se défendre correctement, son cas ne cesse de s'aggraver.
Kevin Bacon campe un autre type de personnage, mais avec tout autant de justesse. Seul de la bande à être sorti du marasme de leur quartier d'origine, et pas fâché de l'avoir fait, il est le plus sobre et pragmatique des trois. Cette enquête lui fait faire un bond dans le passé dont il se serait bien dispensé, lui rappelant des souvenirs douloureux combinés à ses problèmes de couple actuels. Il a pourtant du mal à être impartial, ses deux amis d'enfance étant impliqués, dans des rôles divers.
Les seconds rôles méritent tout autant qu'on les félicite, en particulier Marcia Gay Harden incroyable en femme terrifiée par son mari qu'elle ne reconnaît plus, ne sachant plus quoi penser. Sa performance est d'autant plus honorable qu'elle fait passer les émotions malgré un visage charcuté par la chirurgie esthétique.

À la réalisation, Clint Eastwood nous livre un thriller sombre, où la tension est omniprésente. Ses personnages sont à fleur de peau, et on a l'impression qu'à chaque instant l'un d'entre eux peut craquer et disjoncter. La narration est maîtrisée et on s'accroche à son siège pendant tout le film, attendant de savoir qui est coupable. C'est là toute la force de la réalisation: tout accuse Dave, et pourtant on doute. Ce serait trop facile. Des détails nous sont livrés au compte-goutte et semblent tantôt l'accuser, tantôt l'innocenter. Rien n'est jamais certain, il est impossible de se faire un avis définitif car de nouveaux suspects apparaissent et disparaissent.

Mystic River, c'est aussi une réflexion sur les traumatismes de jeunesse, ces cicatrices qu'on ne referme jamais. Mais ce n'est pas tout, le film nous montre aussi l'importance du système juridique et de ses obligations. Quand tout semble accuser un homme, est-il pour autant coupable ? Si on le sait coupable, comment l'emprisonner sans preuve déterminante ? Jimmy a beau garder son sang-froid au maximum, il se convainc sans preuve qui serait valable devant une cour de justice. Mais dans ce quartier populaire, la justice sévit souvent avant d'atteindre le tribunal.

Après avoir hésité à mettre 9, je me contente d'un 8 pour deux détails:
- les deux dernières scènes m'ont paru en trop, l'intrigue étant résolue, je me serais passé volontiers du dialogue et de la parade, qui ne sont tout de même pas inutiles, nous laissant présager de la vie future des personnages.
- Clint Eastwood nous lâche un indice en début d'enquête qui n'est pas exploité immédiatement par la police mais que j'avais repéré. N'étant pas moi-même un grand enquêteur, j'ai pu avoir de la chance ou alors c'est une démarche volontaire que de nous le faire remarquer, pour nous emmener sur une nouvelle piste. Quoi qu'il en soit, j'aurais préféré quelque chose de plus discret pour semer encore davantage le doute en moi, l'indication étant ici trop forte à mon goût.

Mais ce ne sont que deux détails, et Mystic River reste une oeuvre majeure, assurément un des meilleurs films d'Eastwood.