Ça cogne très dur et c'est de bon augure pour les adeptes de pellicules underground. Nails est le premier pas dans le cinéma de Andrey Iskanov, cinéaste fantastique russe révélé par l'abominable Philosophy of a Knife (un des ''films les plus extrêmes de tous les temps''), représentation sur plus de quatre heures en noir et blanc des exactions commises dans le camp 731 par les nazis. Dans Nails, c'est à la fois plus banal et fantaisiste : en allant à l'essentiel, on y trouve un jeune homme qui s'enfonce des clous dans la tête pour se débarrasser des sons et voix délirantes qui l'accable.
Ce qu'il y a d'incroyable avec Nails, c'est, d'abord, combien il est fauché et ses acteurs un brin ridicules (quoique le jeu s'améliore considérablement au fil du métrage) ; puis surtout, comme il donne corps, par un absolutisme naïf, à une ivresse profonde. Remarquable par sa créativité, Nails l'est aussi par ses accès de mauvais goût ; l'ensemble est même franchement amateur dans ses techniques, mais il est toujours confiant et insolite. L'inspiration de Tetsuo et de Der Todesking de Buttgereit (très apprécié par les écumeurs de salles sordides) se fait sentir.
Ce n'est pas génial, clairement Z et maudit, mais on éprouve un certain intérêt à suivre ce morceau de bravoure underground. Sans passer loin des poubelles du cinéma, il mérite une place dans le rayon des bizarreries notoires à recommander aux amateurs d'étrange. Qu'ils soient prévenus cependant : il ne s'agit pas d'une pépite, juste d'un essai, le moins concluant de son auteur. Et si on ne s'ennuie pas ou peu (sensation fréquemment éprouvée dans le domaine) pendant ces soixante minutes, c'est surtout parce qu'on se demande où on a mis les pieds et ce qui va bien pouvoir nous arriver. On est dans l'attente active et on est servi (son œil dans le bide ou cet espèce de trip psychiatrique en costume semi-médiéval sur la fin). C'est très lourd mais désarmant ; les cinéphiles les plus inexpérimentés auront du mal à s'en remettre, les plus blasés relèveront, sans plus.