Neige et cendre par zeugme
Préambule discutable :
Les gens qui ne connaissent rien au monde de la prostitution en général et au marketing en particulier s'imaginent souvent que "n'importe qui peut faire ça". Un peu comme ces mamans qui se pensent capable d'être éducatrices de vingt enfants parce qu'elles en ont élevé un ou ces types qui cuisinent bien pour leur femme et qui se disent que cuisinier, c'est pas si compliqué que ça. Le truc fondamental dans la vie pour ne pas être un parfait crétin quand tu parles de quelque chose que tu ne maîtrises pas, c'est de comprendre que ce n'est pas parce que tu ne comprends pas que ce n'est pas complexe. Comme le type qui voit un tracé d'autoroute qui n'est pas en ligne droite et qui proclame que c'est idiot sans se préoccuper de l'état des sous-sols.
En d'autres termes, il est facile d'être l'idiot de son prochain, vous serez content de pouvoir dire que vous l'avez apprit ici.
Si y'a bien un gars (ou une fille) sur terre dans le domaine de la prostitution qui n'a pas intérêt à être idiot(e), c'est bien la personne qui va devoir vendre ce film.
Introduction :
J'ai reçu deux billets pour l'avant-première de ce film, ce n'est pas signifiant de le mentionner mais ça me permet d'essayer de vous faire croire que c'est parce que j'ai des relations plutôt que parce que je sais lire et écrire, sans trop savoir de quoi il s'agissait. Une visite ultra-rapide sur internet m'avait posé l'intrigue en ces termes : deux journalistes en zone de guerre, un seul revient. Note bien qu'on pourrait résumer Transformers 2 de la même façon en oubliant quelques éléments de scénario (hoho), à peu de choses près. Pour le reste, assez content de faire mon people et d'aller rencontrer le scénariste, deux des acteurs principaux et le producteur, j'avais envie d'aimer ce film. Quand quelqu'un t'offre un truc et vient te supplier de l'aimer et d'en causer, t'as pas envie de trouver ça à chier s'il est moindrement sympathique. Prostitution, on vous disait. T'as pas envie de trouver laide la fille pour qui tu paies, en quelque sorte.
Le film :
Pour résumer, c'est l'histoire de deux types. Un meurt, l'autre survit. Pour le reste, il faut voir le film. Ne me remerciez pas, ça me fait plaisir.
Le résultat :
Dans un premier temps, je suis sortit du cinéma en faisant à demi la gueule. Pendant deux tiers du film, j'ai voulu taper très fort dans le visage du rôle principal. Vraiment, une chance que l'acteur n'était pas présent pendant la représentation, j'aurais peut-être fait un compromis en faveur d'un crachat discret sur son manteau dans le noir. Et puis en parlant du film avec mon acolyte, une évidence a finit par surgir : ce film nous a lancé sur un tas de pistes, a remué pas mal d'émotions et a suscité quelques interrogations de fond. Par exemple, mon ami m'a dit "J'aurais pu agir comme lui", moment à partir duquel il n'a plus été mon ami. Je lui ai dit que je reprochais au "héros" d'être un idiot, lui estimait que c'était surtout un "lâche". Nous avions tous deux des arguments pour soutenir nos points de vue et la conversation a duré presque aussi longtemps que le film. Résultat, j'en suis arrivé à me dire que même si l'histoire n'était pas "aimable", le film avait indiscutablement accomplit, provoqué, quelque chose.
La grande qualité de ce film, c'est d'être réalisé à hauteur humaine. Son grand défaut sera sans doute de se trouver son public malgré ses récompenses dans divers festivals. Le scénariste mérite son salaire, il suscite beaucoup de doutes et d'interrogation en ne remplissant pas tous les blancs.
Détails :
Le scénariste s'est expliqué sur son parcours, qu'on reformulera ainsi : sortir une merde grand public à grand budget m'a permit de convaincre mon producteur de claquer du pognon sur ce film qui ne rapportera pas d'argent mais dont je suis fier. Pitié, allez le voir pour que je puisse en faire d'autres. Le manque de budget ne paraît pas à l'écran grâce à des procédés manifestes mais bien utilisés. Seul bémol, dans le dernier quart du film la caméra à l'épaule ne se justifie plus du point de vue scénaristique et fait un peu cache-sexe. Dans le reste du film, ça accentue adéquatement le ton et donne un vrai sentiment d'urgence (que je n'ai jamais ressentit dans les deux derniers Jason Bourne par exemple, héros invincible oblige). Jamais, de ma vie, je n'ai été aussi heureux de voir un type dans une histoire réelle ou imaginaire se prendre une fin de non-recevoir par une femme. Jamais. Je suis du genre compatissant dans les histoires de cœur, mais là c'était vraiment too much. Ceci dit, l'interprétation du rôle principal et de la fille (principale) est TRÈS bonne. Vraiment.
Nota Bene :
Question : Comment reconnaître les minables qui ne viennent à une avant-première que parce qu'ils ont gagné un concours sur des boîtes de céréales ?
Réponse : Ce sont les enfoirés qui déboulent en retard à la séance et bouffent du pop-corn pendant l'essentiel du film incluant les passages les plus émotionnels. Quelqu'un devrait faire un film ou de tels personnages sont horriblement assassinés dans une salle de cinéma, après tout Tarantino nous a bien fait la morale dans son film pourri avec Brad Pitt, y'a pas de raisons.
Conclusion :
Un drame (ou à la limite un thriller mais non un film de guerre) intime méritoire, pas forcément divertissant mais qui suscite la réflexion.