Dans la catégorie des films indépendants ayant cartonné au box office, je demande le nommé Nerve. Partant d'un postulat très vendeur et mêlant thriller au thème teenager par excellence à savoir, les réseaux sociaux, ce film peut se lire de deux manières (en tout cas, il ressort deux niveaux de lecture): soit on le prend pour ce qu'il est, un énième film pop corn pour adolescent relativement bien fait qui assure le spectacle et qui permet de se vider la tête un bon coup. Soit on le voit comme un avertissement et une critique de l'influence et du pouvoir des réseaux sociaux dans notre société actuelle. Cela peut paraître futile mais Nerve a clairement quelque chose à dire et il le fait particulièrement bien. Nous allons essayer de comprendre pourquoi ce film est une réussite forte plutôt qu'un film pop corn de bas étage.
Nous vivons dans une société où nous sommes tous connecté: téléphone, ordinateur, montre... On est en permanence face à de multiples informations et on doit les traiter au plus vite. Beaucoup sont à la recherche du moindre scoop et d'avoir le privilège de le partager en premier sur un réseau. La société actuelle est devenue une vitrine dans laquelle chacun se vend, partage sa vie, expose ses idées et cela est autant positif que négatif. L'internet mondial est devenu en une décennie une forme de puissance importante, presque impossible à stopper. Dans le fond, c'est ça le vrai propos du film: sous ses airs de film pour adolescent à sensation forte, le film ne cache pas l'importance des réseaux sociaux et des dangers qu'ils peuvent représenter. C'est tout le côté malin du film: savoir divertir tout en posant un constat accablant sur notre société actuelle. Nous vivons pour avoir de la visibilité et les réseaux sociaux sont le meilleur moyen d'avoir cette visibilité.
Nerve est donc une vision de notre société vulgarisé à travers un jeu où deux catégories existent: joueurs ou voyeurs. Les catégories parlent d'elle-même, on peut aussi les distinguer de cette manière: actifs et passifs. Et c'est la même chose dans notre société actuelle: soit on agit soit on reste tranquillement le cul dans son canapé. Il y a bien souvent des personnes qui se cachent derrière leurs écrans, se permettant absolument tout, critiquant, insultant même parfois mais surtout relayant. Dans le fond, c'est ça le plus grand pouvoir des réseaux sociaux: le fait de relayer des informations sans même vérifier si elles sont justes ou simplement fausses. Ici, le film se sert du fait de relayer le jeu, peu importe que les défis soient de plus en plus fous ou dangereux. Sur ce dernier point, le film est malin: il y a un crescendo qui se forme tout au long du film, allant de la simple blague (le premier défi est clairement quelque chose que l'on peut faire en soirée, un défi débile) au cas le plus grave: le meurtre. Comme quoi, d'une simple idée (celle d'un jeu) on peut aller très loin.
Nerve se construit donc autour de l'idée qu'un réseau se compose de voyeurs (ou de personne ne prenant pas part au jeu). Et ces voyeurs sont ceux qui lancent les défis aux joueurs contre des sommes d'argents toujours plus massives. Dans un sens, cela est à mettre en lien avec ce qu'on appelle des lives de nos jours: bien sûr, il ne s'agit pas du tout de la même chose mais le principe est le même: suivre quelqu'un en permanence en s'imprégnant de sa propre vie, de ses passions à sa propre identité parfois. Cela est grandement accentué dans le film, car le logiciel est au final un logiciel espion capable de tout récupérer en matière d'information privée. Une nouvelle fois, c'est un avertissement contre ce que les réseaux (comprenez ici les réseaux sociaux mais aussi les blogs, les sites d'échanges ou même les jeux en lignes) peuvent faire à notre vie privée. L'exemple typique des "pay to win" est ici inversé par à "play for money" astucieux surtout que le film n'explique jamais vraiment d'où vient l'argent gagné. Et c'est ici que l'on trouve le plus gros problème de ce film.
L'action se situe dans la ville de New-York. Mais toute la question est la suivante: Nerve est-il un jeu uniquement à New York ou bien un jeu mondial? On apprend dans le film qu'une manche à déjà été joué à Montréal (pas sûr de cette information). Mais, est-ce que le jeu se déplace de ville en ville ou est-ce que d'autres parties se jouent en même temps que celle livrée dans le film? Dans un sens, le film manque de crédibilité et d'envergure: manque de crédibilité car aucune chaîne d'information ne parle de ce phénomène, hors, il semble que le jeu ne date pas du jour où se déroule l'action puisque le personnage de Sidney joue depuis un moment. Un tel jeu, impliquant de telles sommes d'argent seraient donc rester dans l'ombre pendant ce temps. Malgré le fait que la seule règle du jeu sois ne pas moucher, il semble impossible que personne ne se soit rendu compte de l'existence du jeu.
Manque d'envergure par le fait que le film se concentre sur une seule ville. Il semble évident que le jeu est traversé la ville de New-York tout en existant dans d'autres villes. C'est là que le final du film est un peu décevant: le film aurait dû ouvrir sur une possible globalisation du jeu à travers le monde, ne serait-ce que pour l'impact émotionnel sur la partie livrée durant le film. Cela aurait donner une envergure colossal au film, en faisant de lui une ouverture vers une réflexion plus grande autour de la question des réseaux. Il suffit de prendre un exemple de challenge sur FB pour se rendre compte de la vitesse à laquelle se diffuse le challenge et les réponses à ce challenge.
Nerve est donc un film surprenant et intéressant. On ne peut pas seulement voir ce film comme un film "pop-corn" pour adolescent tant il est astucieux vis-à-vis de sa représentation de notre société. Ce film est comme un avertissement vers un futur proche (si ce n'est pas déjà le cas) concernant l'impact des réseaux en tout genre sur notre société moderne et sur nous tous: vie privée, relation, partage. Nerve semble nous dire de revenir au chose simple, à l'échange entre personnes réelles, de ne plus se cacher derrière nos écrans sous peine de ne plus pouvoir échanger. C'est peut-être alarmiste, mais c'est déjà un peu le cas actuellement. Un film pour adolescent certes mais un constat important sur notre société avant tout.