Quand la muse tangue…
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Cinq ans après Rabbit (2014), court métrage qui posait les bases du présent long métrage, Laure de Clermont-Tonnerre prolonge sa réflexion sur la domestication réciproque d’un prisonnier et d’un mustang sauvage pour une œuvre magnifique et forte, gorgée d’images inoubliables qu’articule une mise en scène sobre à la virtuosité discrète, presque involontaire. Ce qu’il y a de formidable dans Nevada, c’est que le sous-texte psychanalytique échappe à la théorie pour s’incarner à l’écran dans des personnages et des chevaux en constants mouvements, aussi infimes soient-ils : Roman se heurte aux grilles de sécurité, frappe contre les murs de sa petite cellule de la même manière que Marquis s’agite entre des clôtures et des barbelés ou enfermé dans un box sombre. La réalisatrice aborde l’espace carcéral comme un espace de rédemption et de renaissance : la violence entre détenus, présente, reste sporadique et tenue à distance ; elle se convertit en une énergie et une vitalité folles qui finissent par avoir raison de la morosité et des grimaces du personnage principal.
L’évolution intérieure de ce dernier s’extériorise par le débourrage et le dressage, pratiques réversibles puisque l’homme comme le cheval s’apprivoisent mutuellement sans néanmoins évacuer ce fond de violence présent en eux : la séquence de rodéo rappelle le caractère farouche du mustang qui, conscient du dernier tour de piste qu’il est en train d’effectuer avec son ami, démontre qu’il est et restera sauvage. La relation entre eux deux se passe de mots parce que les mots mentent : remplis de promesses, ils brossent le portrait d’un être qui aimerait renaître mais qui sait que cette renaissance est impossible. Aussi la relation articule-t-elle le charnel – les coups font couler le sang et plaquent les corps au sol – et le spirituel : le cheval tend à devenir l’incarnation d’une liberté vécue par procuration depuis la fenêtre exiguë, esprit libre que le corps accepte de laisser partir alors qu’il réintègre l’espace carcéral, les mains sur la tête.
Une œuvre immense qui révèle un talent à suivre de près : Laure de Clermont-Tonnerre.
Créée
le 10 févr. 2021
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