Après deux courts métrages remarqués et primés en festival ("The Boy Next Door" en 2008 et "Homophobia" en 2012), l'Autrichien Gregor Schmidinger sort enfin son premier long métrage, fruit de 8 ans de gestation.


"Neverland" est un film difficile à résumé... du moins dans raconter l'intégralité du scénario. Parce qu'il reposé moins sur une intrigue que sur le portrait et la trajectoire de son personnage principal.


Jakob est un jeune homme de 17 ans, bloqué dans sa vie. Bloqué dans son quotidien, avec un père pas très en porté sur les marques d'affection, avec un grand père malade, avec une tâche de naissance sur la poitrine qui l'empêche d'aller vers les autres et le pousse à préférer un univers virtuel. Il fait alors, par hasard, la connaissance de Kristjan, de 9 ans son aîné, avec qui il développe une relation ambiguë. Lors d'une soirée, ce dernier lui propose d'essayer de la DMT, une substance hallucinogène et Jakob embarque pour un trip qui le confrontera à ses peurs et l'aidera à grandir.


Et voilà, quand vous avez dit ça, vous avez quasiment résumé l'intégralité du film. Ce qui n'est pas vraiment gênant, "Neverland" ne repose pas sur un quelconque twist, Schmidinger semble multiplier les pistes de réflexion, pour la plupart plutôt intéressante : on y parle de l'addiction au virtuel (le réalisateur dresse un parallèle entre l'abattoir et le porno, les images des deux univers de superposant), de l'art, des peurs et des traumas de l'enfance qui vous empêchent d'avancer... Mais parfois, le film laisse l'impression de courir plusieurs lièvres à la fois, sans suffisamment approfondir son propos, restant un peu à la surface de thématiques qui auraient pourtant gagnée à être creusées.


C'est d'autant plus dommage que Gregor Schmidinger est aussi un talentueux plasticien. Il joue clairement avec l'esthétique, offrant parfois des tableaux assez classe dans ce domaine, lorgnant parfois du côté d'un Gaspard Noé, allant d'autres fois chercher du côté d'un esprit industriel, et le dernier quart d'heure halluciné confirme les qualités du garçon.


Mais sur la fin, "Neverland" laisse quand même pas mal de questions en suspens. À quel moment le trip sous DMT commence? Kristjan est-il réel (son pseudo étant "liminal boy", on peut en douter)?


Mais le film garde un certain pouvoir de fascination et de mystère qui donne envie de le revoir, ne serait-ce que pour tenter d'obtenir des réponses à ces questions. Et il constitue un premier long-métrage prometteur, qui place le réalisateur et scénariste Autrichien comme un cinéaste singulier dont on a hâte d'entendre parler à nouveau. De même qu'on espère que ce ne sera que le début d'une belle carrière de comédien pour le jeune débutant Simon Frühwirth.

DocteurBenway
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le 17 févr. 2020

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