New York City Inferno est un film pornographique gay de 1975. A cette époque l'homosexualité en France est un délit, ce qu'elle n'est pas à New York. Aussi, quand Jacques Scandelari s'envole pour les Etats-Unis il est très au fait de cette situation juridique et morale. L'objectif était de filmer en peu de temps (le film a été tourné en quatre jours) le gay New York, celui de The Village, celui dont il avait entendu parler, qu'il avait fantasmé.
L'histoire est simple mais c'est déjà peu banal pour ceux qui n'ont pas connu cette époque, d'avoir un porno avec une histoire. Jérôme est amoureux de Paul qui est parti à New York. Celui-ci dans sa dernière lettre lui dit qu'il ne reviendra jamais à Paris. Jérôme décide alors de se rendre sur place pour retrouver son amant.
New York City Inferno a pour lui ce qu'aucun des pornos actuels n'est capable de fournir. Il ne s'agit pas simplement de faire bander mollement mais plutôt de poser des questions. Le film est en cela terriblement politique, incroyablement drôle, quasiment documentaire et, ce qui ne gâche rien, il est puissamment cinématographique.
Politique, cela va sans dire. Réaliser un film porno homo dans les années 70, c'est déjà un fait d'arme. Mais NYCI ne se contente pas simplement du geste. Il y porte la réflexion qui va avec à travers le biais scénaristique des lettres de Paul dans lesquelles il raconte les différences entre les deux villes et pourquoi il préfère continuer à vivre son homosexualité de l'autre côté de l'Atlantique.
Drôle, c'est indéniable. Quel porno se permet aujourd'hui d'insérer de déconcertants plans sur un chat pendant une partie de jambes en l'air, fait des panneaux sur des graffitis "Fuck" pendant une fellation dans un hangar ou habille ses protagonistes de vison ridicule? Quel porno utilise des chansons de Village People comme BO? Aucun, car le porno d'aujourd'hui n'a plus aucun second degré. NYCI ne se prend pas au sérieux, il a d'autres atouts. Il invite d'une part à réfléchir sur le combat homosexuel pour sa reconnaissance tout en se moquant des convenances orgasmiques.
Documentaire car le film se transforme souvent en une véritable plongée dans le NY gay de l'époque. Ses rues, ses cabarets, ses cruising incongrus (les quais du port industriel), ses backrooms... Il est aussi un témoignage sur des pratiques sexuelles qui sont devenues aujourd'hui mythiques, héritage affirmé des fantasmes de Kenneth Anger, de Jean Genet et de son Querelle (les pissotières par exemple).
Cinématographique enfin car NYCI n'est pas un vilain cliché froid à la lumière blanche clinique et sans âme. Il est brûlant, maladroit, déviant, imaginatif. Il multiplie les panneaux, propose un montage astucieux qui alterne intelligemment des scènes de off drôle (la séquence chez le tatoueur) et des scènes de sexe entre poilus-moustachus qui restent insondables pour les poilophobes modernes.
Pourquoi j'écris un billet là dessus, alors que c'est le mois spécial Halloween? NYCI ne s'achève pas par hasard sur un Inferno torride, presque satanique. Il s'achève dans une backroom quasiment démoniaque où l'on circule en caméra portée entre des bouffeurs de cul et des maîtres adeptes du dog training le tout dans des jeux de lumière aléatoires et sur une musique carbonique et démentielle de Camille O'Grady qui perf' en live au milieu de cette orgie hors norme. L'enfer on vous dit. Avec du cuir, du bondage, du sling, de la moustache et des dizaines de paires de coucougnettes bien pleines. L'apothéose pour un film turbulent et subversif, un porno vraiment pas comme les autres.