Philippe Lacheau signe avec Nicky Larson et le parfum de Cupidon une déclaration d'amour et une déclaration de guerre. La déclaration d'amour de ce film s'adresse, bien sur, aux œuvres de Tsukasa Hojo et Kenji Kodoma, mais également au Club Dorothée et au contexte de diffusion de l'anime. La déclaration de guerre de ce film s'adresse, bien sur, à ceux qui avaient critiqué la diffusion des animes japonais dans les années 1980 et 1990, mais aussi aux ayatollahs actuels de la bienséance, de la poésie et du bon goût.
Nicky Larson et le parfum de Cupidon est une adaptation libre de l'univers créé par Tsukasa Hojo et Kenji Kodoma. Il s'agit d'une histoire originale créée par Julien Aruti, Pierre Lacheau et Philippe Lacheau. Par histoire originale, il faut bien comprendre qu'elle n'a été imaginée ni par Tsukaja Hojo ni par Kenji Kodama. Pour originale qu'elle soit, force est de reconnaître un immense respect pour le matériau de base et, plus encore pour les personnages originaux, leurs personnalités et les relations qu'ils entretiennent.
Ce film est une adaptation libre donc, il ne faut pas en attendre une fidélité absolue par rapport au manga de Tsukasa Hojo ou à l'anime de Kenji Kodoma. Une fois cela posé, l'action du film se déroule en France et à Monaco principalement de jour. L'action de l'oeuvre originale se déroule majoritairement de nuit et au Japon mais ce changement de lieu et d'ambiance ne nuit pas à l'action, ni à la personnalité des personnages principaux, ni à leurs relations. L'histoire ressemble à une histoire que les auteurs originaux aurait pu créer et, en ce sens, Nicky Larson et le parfum de Cupidon est une adaptation libre d'une assez grande fidélité aux œuvres originales.
Le traitement des personnages principaux et de leurs relations, il faut en parler parce que c'est LE point fort du film.
Il est impossible de parler de ce film sans parler de la construction du personnage de Nicky par les scénaristes tant ils ont fait du beau travail. Dans l'oeuvre originale, Nicky est un personnage graveleux, misogyne, obsédé, un personnage qui serait répugnant si cette image n'était pas qu'une apparence. Ces traits sont respectés scrupuleusement dans cette adaptation mais les scénaristes ont ajouté quelque chose à Nicky, quelque chose qui le rend bien plus intéressant encore. Avec le parfum de Cupidon, Nicky va être contraint d'explorer une orientation homosexuelle. Cette exploration commence par une phase de déni, de rejet puis il va se prendre au jeu jusqu'à accepter cette orientation homosexuelle. Cette acceptation trouve en point d'orgue son hésitation à prendre l'antidote. Finalement, tout comme il n'avait pas choisi d'explorer l'attirance homosexuelle, il n'a pas non plus choisi d'en sortir.
Il est impossible de parler de ce film sans parler de la construction du personnage de Laura par les scénaristes tant ils ont fait du beau travail. Dans l'oeuvre originale, la personnalité de Laura est centrée sur la féminité, une féminité qu'elle revendique et une féminité qu'elle dissimule. Cette dualité de la féminité de Laura est parfaitement mise en scène dans cette adaptation avec Elodie Fantan toute aussi crédible en Laura "garçon manqué" qu'en Laura "femme fatale". Les scénaristes ont magnifiquement exploité les qualités de jeu d'Elodie Fontan en lui offrant un personnage espiègle et bouleversant.
La scène ou Laura sort de l'usine sans sa ceinture d'explosifs est la plus belle du film, c'est digne d'une tragédie grecque. Elodie Fontan joue en 30 secondes le soulagement d'être en vie, l'incompréhension, la négociation, la colère, la résignation face à son incapacité totale à dissimuler la nature exacte de ses sentiments vis-à-vis de Nicky et la détresse absolue... Et le tout en étant parfaitement crédible. Cette scène aurait du lui valoir une récompense, elle l'aurait méritée.
Revenons quelques instants sur la relation qui unit Nicky et Laura et qui a été superbement retranscrite dans ce film. Dans cette relation (c'est le cas dans le manga comme dans l'anime), le spectateur sait que Laura aime fondamentalement Nicky tout comme Nicky aime fondamentalement Laura néanmoins, chacun des deux s'évertue à ce que l'autre ne le sache pas, ne s'en doute pas, chacun des deux s'évertuant à feindre l'évidence pour des raisons qui leur sont propres, Nicky pour protéger la sécurité de Laura compte tenu de leurs activités (le frère de Laura, décédé dans les bras de Nicky, lui ayant demandé de veiller sur elle juste avant de mourir), Laura pour se protéger d'un obsédé sexuel comme il en existe peu sur Terre.
Un autre point fort du film est d'avoir su exploiter l'ambivalence des relations qui peuvent exister entre Nicky et Mammouth. Ils sont à la fois rivaux et complices, ils sont à la fois convaincus d'être meilleurs que l'autre et certains que leur affrontement les conduira tous les deux à la mort, ils sont tout aussi conscients qu'ils ne sont rien l'un sans l'autre et qu'ils n'ont aucune raison d'exercer leur métier l'un sans l'autre. Dans ce film, les scénaristes ont choisi de faire s'affronter puis collaborer les deux rivaux, c'est un choix classique que l'on retrouve plusieurs fois dans les œuvres originales et ce choix est adapté au propos du film.
Si les scénaristes font une autre histoire basée sur les œuvres de Tsukasa Hojo et Kenji Kodoma, j'ose espérer qu'ils choisiront l'option de faire s'affronter Nicky et Mammouth pour mettre en lumière ce qui les unit le plus : Laura.
Crédible de bout en bout, le personnage de Dominique Letellier interprété par Didier Bourdon est digne des meilleurs antagonistes vus dans les œuvres de Tsukasa Hojo et Kenji Kodoma tant par sa personnalité que par ses enjeux et ses motivations. Ces choix sont cohérents et Didier Bourdon a visiblement pris beaucoup de plaisir à interpréter ce personnage. Avec ce personnage, les scénaristes réinventent les conditions de la mort de Toni, le frère de Laura mais cet ajout aux œuvres originales est crédible et surtout, bien exploité du début jusqu'à la fin du film.
Les personnages originaux soufflent le chaud et le froid en moi. Au premier visionnage, j'ai trouvé Skippy et Poncho inutiles et exaspérants. Puis j'ai laissé passer du temps et j'ai revu le film et j'ai compris quelque chose sur ces deux personnages, quelque chose qui m'a fait prendre conscience du talent des scénaristes du film.
La relation qui unit Laura et Poncho est l'antithèse de la relation qui unit Laura et Nicky. Autant Nicky est avare en démonstrations d'amour autant Poncho va les multiplier, Autant Nicky l'attire irrésistiblement, autant Poncho la repousse irrésistiblement. C'est ce parallèle-là qui est intéressant avec ce film.
Skippy, quand à lui, est un raté. C'est un commercial raté qui mène une vie ratée et tout ce qui compose son existance lui rappelle à quel point il a raté sa vie professionnelle, sa vie personnelle, sa vie sentimentale, sa vie de famille. Le parfum de Cupidon lui permet de sortir de cette vie de raté et de vivre sa vie, ses fantsames, ses envies, de se découvrir attirant, irrésistible et d'en jouer, d'en jouer jusqu'à l'excès. D'un certain côté, je me demande si Skippy n'est pas ce qu'aurait été Nicky Larson s'il n'avait rencontré Ni Toni ni Laura.
J'ai fini par aimer la construction de ces deux personnages. Poncho va délibérément mettre sa vie en danger alors qu'il n'est plus sous l'emprise du parfum, Skippy, lui, va délibérément mettre sa vie en danger après avoir pris conscience qu'il a une part de responsabilité dans la situation de Nicky et de Laura et tenter, ainsi, de réparer ses fautes.
J'ai aimé ce film, le ne suis pas allé le voir au cinéma et je suis heureux de ne pas l'avoir fait mais, pour autant, c'est un bon film à regarder à la télé. Avant d'écrire cette critique, j'ai lu de nombreuses critiques du film, si je ne partage pas tous les points de vue, je suis totalement d'accord avec Zogarok lorsqu'il écrit la chose suivante : "« Beaux yeux belles couilles » est déséquilibré, « Beaux yeux belle queue » eût été plus savoureux.". Ce film n'aurait pas mérité 10 de toute façon mais cette balourdise me permet de lui enlever un point tout en gardant la conscience tranquille.