Nightbitch
5.5
Nightbitch

Film de Marielle Heller (2024)

Alors qu'elle était une artiste en pleine ascension dans les plus hautes sphères, "Mother" a tout plaqué pour justement épouser les joies de la maternité et s'occuper de son fils en bas-âge. Ayant l'impression de perdre ce qu'elle était dans ce rôle ingrat, au quotidien répétitif et usant, Mother remarque un jour d'étranges phénomènes pileux sur son corps...


Sur un ton on ne peut plus corrosif, il suffit à "Nightbitch" d'à peine quelques minutes, grâce à un prologue et un générique d'ouverture jubilatoires, pour dresser le portrait d'une femme qui ne l'est tout simplement plus, complètement submergée par son statut de mère s'étant muté en destructeur de tous les autres aspects de l'être qu'elle s'était forgée avant de donner la vie.

L'intellect, l'intérêt artistique, les aspirations, le temps pour soi,... "Mother" voit en effet s'évaporer chaque jour un peu plus sa stabilité de femme épanouie devant la petite frimousse de son enfant, être auprès duquel elle reste bien sûr aimante mais qu'elle voit également comme une ancre ne cessant de la tirer dans les abysses de l'oubli d'elle-même. Pas aidée par un mari bien heureux de se décharger de sa part de responsabilités parentales en fuyant dans son travail et les caprices inhérents au jeune âge de sa progéniture, Mother va progressivement voir son esprit emporté par l'ivresse de la dépression et la persuader qu'un échappatoire est possible pour elle aussi... grâce à une transformation canine.

En résonance avec de lointains souvenirs d'enfance interprétés par des yeux encore naïfs, Mother va ainsi se tourner vers cet état "naturel", soutenue par un inconscient prêt à lui apporter des preuves tangibles du phénomène, pour tenter de trouver un second souffle et d'exister à nouveau.


Et il faut bien avouer qu'en trouvant un équilibre particulièrement réussi entre la comédie noire et le drame, avec l'aide d'une mise en scène efficace et un montage percutant, la montée en puissance des grognements de Mother narrée dans la première moitié de "Nightbitch" s'avère plutôt réussie !

Même s'il n'est pas le premier à le faire, le film écrit et réalisé par Marielle Heller prend un malin et contagieux plaisir à casser l'image de la maternité, évidemment vue trop souvent comme idyllique, pour en faire un véritable cauchemar de pertes de repères existentiel, où les situations à l'humour acide sur cette condition coexistent avec la souffrance d'une femme pleinement consciente de voir les facettes qui la définissaient être réduites à néant jour après jour. Bien sûr porté par une toujours épatante Amy Adams (et ne pas mentionner la prestation de Scoot McNairy en mari/père serait criminel), "Nightbitch" nous fait clairement croire qu'il a le potentiel de faire partie de ces films que rien ne semble arrêter dans le délire dans lequel ils se plongent -ici tout de même une mère au foyer revêtant la peau d'une chienne- et faisant souvent mouche avec tout ce que cela peut entraîner comme conséquences en termes de situations/interactions (le rapport à l'enfant, le mari, le trio de mères prometteur, les retours dans le passé, une figure protectrice...).

Lorsque le film paraît atteindre son tournant avec une "Mother" trouvant enfin une nouvelle lumière dans cette direction tout aussi incongrue que malgré tout pertinente, rien ne semble vouloir infléchir les bonnes intentions de l'ensemble.


Et pourtant, à ce qui aurait dû être son paroxysme, "Nightbitch" se met à s'essouffler comme une baudruche qui ne saurait plus trop quoi raconter, se contentant de subitement faire régresser son héroïne au stade de départ là où elle aurait dû justement prendre son plein essor.

Dès lors, malgré certaines fulgurances qui rappelleront ce qu'il s'est passé de bien plus qualitatif en amont (Amy Adams & Scoot McNairy en raviveront toujours quelques étincelles lors de leurs échanges, notamment par ce définitif "Où est passé la femme que j'ai aimé ? - Elle est morte en accouchant." ou le triste spectacle de ce dernier complètement désemparé en réalisant enfin l'étendue de ce que sa femme avait perdu), le long-métrage embrassera des situations beaucoup plus convenues, comme effrayé par la représentation du coup de folie dépressive dans laquelle il aurait pu se laisser entraîner, et laissera en jachère la plupart des atouts qu'il avait amorcé, à l'instar du groupe de mères transformé en faire-valoir comique juste bon à approuver/partager les remarques de l'héroïne ou encore avec la figure un peu plus mystérieuse abandonnée à l'état de silhouette.


Et c'est ainsi que, sans être une totale déception ,"Nightbitch" rejoindra en réalité la longue liste des longs-métrages nous laissant simplement frustrés par leur sortie de route alors que, particulièrement ici, toutes les forces en présence et son cheminement auraient pu l'amener à tutoyer des sommets et en faire un réel grand film sur la noirceur que peut engendrer la condition d'être mère. En l'état, on en retiendra surtout une formidable Amy Adams dans un film qui aura manqué de chien sur la durée.

RedArrow
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