No, au film on dit « Si »
Sur fond de dictature chilienne de Pinochet, Larrain explore les conséquences d’un référendum sous un régime totalitaire et les moyens mis en oeuvre par le camp du «No».
1988, Augusto Pinochet est contraint par les pressions internationales de consulter le peuple par référendum au sujet de son maintien au pouvoir pour les huit années à venir. C’est aussi pour la première fois depuis le coup d’état de 1973 que les partis de l’opposition peuvent s’exprimer librement à la télévision. L’arrangement donne à chaque camp 15 minutes d’antenne. La télévision appartenant à l’état, elle peut tout le reste du temps diffuser ce qu’elle souhaite. Cela ne laisse pas grand-chose à l’opposition. Ils font alors appel à René Saavedra, jeune fils de bourgeois parti faire ses études à l’étranger et ayant faire fortune dans la publicité. Alors que tout le monde pense préparer une campagne sur les atrocités commises par Pinochet, il décide de prendre une tout autre direction axée sur la joie, le positivisme et l’avenir radieux qui attend les chiliens grâce au « No ».
Le film suit le parcours de Saavedra, pour convaincre tout d’abord ses partisans, convaincre le public mais aussi réussir à outrepasser les tentatives d’intimidations et les pressions du pouvoir en place dont celles de son patron, devenu conseiller de la campagne du « Si ». En parallèle, on découvre la vie (fictive) de cet homme qui doit s’occuper souvent seul de son enfant et qui tente de ramener son ex-femme, militante, à la maison pour la protéger.
Le film arrive chez nous avec une réputation fort flatteuse, due entre autre à sa nomination à l’Oscar du film étranger cette année. Force est de constater que la réputation n’est pas que flatteuse.
Tout d’abord l’intérêt du sujet : c’est un thème fort, passionnant et méconnu dans nos contrées. On découvre en coulisse comment les partis politiques de l’opposition, soudés derrière le «No», retournèrent les techniques de publicités modernes contre un état allié prônant le capitalisme.
Ensuite, bien sûr la qualité d’interprétation d’un Gael García Bernal (Amours chiennes, Carnets de Voyage) tout en talent. Mais aussi le parti pris par Larrain de tourner son film avec le matériel de l’époque. Cette méthode lui permet de mélanger fiction et images d’archives. L’intérêt de ce parti pris, n’est pas à démontrer mais la qualité visuelle s’en fait parfois ressentir, l’image étant assez dégueulasse.
Nous ne rentrerons pas forcément dans les détails de l’histoire qui est soit connue, soit bien plus largement expliquée dans les encyclopédies. Pointons juste le fait que René Saavedra est un personnage totalement fictif représentant vraisemblablement les gens de la pub qui ont œuvré dans l’ombre de cette campagne.
No est un film percutant sur la politique chilienne des années 80 et la volonté du peuple à profiter des pressions internationales pour destituer leur dictature sans guerre. Mais c’est aussi un film sur les moyens de communication et les méthodes de la publicité pour convaincre les masses de rallier un camp. L’image est certes assez moche mais fait partie d’un parti pris qui colle le plus près possible à la réalité en mélangeant fiction et images d’archives. Un film original, intéressant et didactique ce qui n’arrive pas tous les jours sur nos écrans. Profitons-en.