Nonfilm
6.4
Nonfilm

Moyen-métrage de Quentin Dupieux (Mr. Oizo) (2001)

"Vous faites un film? [...] Bon bah, bonne continuation!"

Cet ovni hors de tout et débordant de créativité m'a littéralement retourné les méninges. J'admets cependant qu'il s'adresse aux spectateurs amoureux du cinéma d'auteur qui aiment ressentir la particularité d'un artiste et son rapport à la caméra.


Dans ce moyen métrage, on trip dans la subjectivité d'un obsessionnel du cadre, d'un savant fou cinéphile. Si Dupieux est désormais reconnu comme un réalisateur majeur et ultra-prometteur (avec par exemple, "au post!" feat Orelsan, Poelvoord et Ludig ou encore "Le daim" avec Dujardin qu'on attend à mort), l'accueil de ce premier grand essai cinématographique fut bien discret... qualifié d' "incompréhensible et sans intérêt"! Perso j'y trouve toute la sincérité, la réalité d'une expérience exceptionnelle avec l'art. Peut-on créer une oeuvre avec du rien? Sublime sujet de réflexion métaphysique abordé avec minutie. La thématique y est pris à la lettre, saisi à bras le corps. En découle un exercice de style ultra-abstrait et surprenant qui manipule et joue avec les codes/cadres.


Dupieux et son double je/jeu "Mr oizo" s'entrechoquent et s’électrisent depuis 2001. Le Mr oizo qui s'est fait connaître massivement par hasard avec un tube improbable ("flap beat"), est envié par le Quentin Dupieux réalisateur inspiré à la recherche de reconnaissance. C'est le paradoxe que retranscrit ce film hallucinatoire.


Le film ne traite pas de rien, loin de là. On y trouve la passion du jeu avec la caméra, la possibilité de récit sans rien au point d’accéder à l’infini, au néant en filmant simplement le ciel. Les rapports entre acteurs restent toujours biaisés par la présence de la caméra. Peuvent-ils écrire leur propre histoire? Non, ils sont soumis au scénario éternellement circulaire (comme le moteur d'une caméra) de cette mise en abîme parfaitement orchestrée... Quoique sans musique. Et sérieusement c'est sur cette boucle infernale permanente que j'ai phasé pendant des heures. Genre grandes révélations métaphysiques que t'as sous LSD. On aurait l'impression d'un sorte de cauchemar existentiel... Celui de Dupieux.


C'est avant tout de lui-même qu'il parle dans cette épopée chaotique. On y adopte son point de vue onirique; il ne ment pas ni essaye pas de plaire mais s'extériorise avec la caméra. On voit son monde comme un terrain de jeu ou rien n'est sérieux. Le non-sens devient un point de vue systématique. Les dialogues interrogent le spectateur sur la conception d'un film au lieu de nourrir une logique scénaristique compréhensible par le plus grand nombre


. Dupieux s'éclate avec rien... une caméra suffit. Elle permet de rendre un bras indépendant, flottant dans le désert. Comme avec Katerine, un rien peut devenir tout, il suffit de regarder dans la plus belle direction... ET ON S'EN FOUT DES CODES TANT QU'ON S'AMUSE (se livre aux muses)


Merci pour cette oeuvre majeure qui m'a énormément troublé (au point de devoir arrêter le film pour reprendre mes esprits). Dupieux, tu es un grand alchimiste! Bravo!

MarcelProust1
9
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le 15 mai 2018

Critique lue 154 fois

Marcel Proust

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