Nothingwood
7
Nothingwood

Documentaire de Sonia Kronlund (2017)

Sonia Kronlund, journaliste à France Culture, est une spécialiste de l’Afghanistan. L’interrogation qui est la sienne, en voix off du début de son documentaire porte sur les horreurs qu’elle relaie sur son histoire, martyrisée depuis 30 ans : aucune place ne semble faite pour le divertissement. Aussi, lorsqu’elle entend parler d’une star nationale, Salim Shaheen réalisateur de 110 films, elle décide de le suivre pour comprendre une facette de ce pays qui lui aurait échappé.


Débute une odyssée folle, sur les pas d’un personnage hors norme. Entouré de ses comédiens, le cinéaste tourne quatre films en même temps, serie Z totalement fauchées (d’où le titre : Nothingwood, c’est son cinéma, dénué de tout budget) avec pour seul carburant son énergie débordante.


Sonia suit, abandonne vite toute idée de contrôle pour suivre, entre champs de mine et zones interdites aux femmes, les pérégrinations de ce Don Quichotte du 7ème art.


Nothingwood, c’est le making of ultime, où l’on joue à Kalach réelle et l’on crache du sang de poulet, où l’on caste un âne de passage ou vole des images de la documentariste elle-même. Le film est hilarant, totalement jubilatoire, et rien ne résiste au charme culotté de Shaheen qui entraine à sa suite une communauté de fidèles, dont un comédien efféminé qu’on jurerait bon à la lapidation au vu de ses provocations. Les extraits qui viennent ponctuer le film sont tout aussi drôles, et affirment une foi dans le divertissement totalement salvatrice, à grands renfort de bastons, de chorégraphies et de chants.


Dans ce pays ravagé, Shaheen est évidemment l’exemple type de la résilience : parce qu’il brave les ruines et le danger armé de sa caméra, évidemment ; de la mort, il explique qu’elle est écrite par Dieu, et qu’elle arrivera donc sans son contrôle. Mais c’est surtout sa capacité à la mystification, en tant que cinéaste quant qu’homme public, qui explique son aura. Galvanisant la foule, exigeant des applaudissements constants, il fait de ses tournages eux-mêmes un show permanent. Sa mère est ainsi originaire de chaque ville qu’il traverse, il confond ses scenarii avec des morceaux (fictifs ?) de sa propre vie et fait des paysages (sublimes) comme des armes de son pays les accessoires de son usine à rêve.


Et, pour une fois, un film sur l’Afghanistan nous montre des foules éclatant de rire, des étoiles dans les yeux. Un cinéaste d’utilité publique, un documentaire à voir absolument.


(8.5/10)

Sergent_Pepper
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Documentaire, Les meilleurs documentaires, vu en salle 2017, vu en 2017 et Cannes 2017

Créée

le 31 mai 2017

Critique lue 1.2K fois

32 j'aime

4 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

32
4

D'autres avis sur Nothingwood

Nothingwood
Larsen
8

Bons au rien

Je commence à être familier du travail de Sonia Kronlund, en particulier à la radio, dans son émission "Les pieds sur Terre" diffusée sur France Culture. J'aime beaucoup son parti pris de reportages...

le 29 juin 2017

6 j'aime

2

Nothingwood
GuillaumeL666
7

Du cinéma fait maison à foison réalisé dans un contexte difficile

C'est assez rare que je me dise d'un film que seul son concept de base le tient sur ses épaules sans que ce soit un défaut.Ici, la documentariste Sonia Kronlund permet à rendre ça passionnant car...

le 12 avr. 2024

Nothingwood
JonathanPichot
10

Critique de Nothingwood par Jonathan Pichot

Énorme Coup de Coeur, terriblement drôle et émouvant un bonheur d'une grande générosité sur la vie et le cinéma. Boulevardducinema.com

le 26 août 2018

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

773 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

714 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

616 j'aime

53