Notre révolution intérieure : un titre ambitieux pour un documentaire qui ne l’est pas moins et dont l’utilité ne fait, aujourd’hui plus que jamais, aucun doute.
Son réalisateur, Alex Ferrini, part de la citation du philosophe Indien Jiddu Krishnamurti : « Il n’est pas signe de bonne santé mentale que d’être bien adapté à une société malade ». Le chaos extérieur reflétant notre désordre intérieur, Alex, son ami Xavier Darbaumont et son frère Romain (Ferrini), ont décidé de « réinitialiser » leur vision de l’existence. Délaissant leurs habitudes et leur confort, les trois jeunes hommes ont embarqué sur un voilier faisant le tour de l’Amérique du sud afin de partir découvrir le monde avec leurs propres yeux. Ils nous racontent de quelle façon ce voyage et leurs rencontres ont modifié leur regard sur l’existence et leur a permis de reprendre les commandes de leur propre vie.
PHOTO : Romain Ferrini, prêt à appréhender ce monde qu'il regarde désormais autrement
Ce voyage initiatique pourrait paraître normal, voire basique, pour toute personne déjà sensibilisée à ce type de questionnements, ou au contraire naïf pour ceux qui persisteraient dans le déni. Toutefois, à l’instar de Demain (réalisé par Mélanie Laurent et Cyril Dion), NOTRE RÉVOLUTION INTÉRIEURE s’inscrit dans une mouvance mondiale que l’on ne peut plus ignorer. Une prise de conscience effective et grandissante, une sorte de réveil des nouvelles générations qui refusent le monde et l’avenir qui leur sont proposés. Elle révèle une volonté d’agir, de chercher des solutions concrètes pour changer le mode de vie des individus, et par là même faire évoluer la Société dans son ensemble "le collectif soutient l'individu et l'individu élève le collectif".
Parfaits témoins de leur époque, ces trois compères nous exposent leur analyse des dysfonctionnements, leurs causes : l’éducation, la compétition, la norme sociale, la peur, etc… Ils en illustrent les conséquences par des textes personnels que l’on écoute en voix off, mais aussi par d’astucieuses saynètes très percutantes visuellement, qui caricaturent (mais pas tant que ça) ce quotidien qui nous rend aveugles et nous aliène. Ils nous proposent parallèlement d’explorer la voie que d’autres choisissent pour y remédier à travers différents témoignages (un navigateur, un chef de communauté spirituelle, un permaculteur qui re-crée de véritables écosystèmes, ...). Enfin, à travers les images rapportées de ce périple, le réalisateur souligne subtilement la force et la beauté de la nature à laquelle il est indispensable de se reconnecter pour vivre en harmonie avec le monde.
« Notre révolution intérieure invite à reprendre les commandes de notre propre vie »
Plus précisément, leur propos est de dire que le système d’éducation actuel façonne des adultes malades ou inadaptés à notre société dans la mesure où il ne convient qu’à un type de personnalité « le Type A ». Seuls ceux qui correspondent à ce profil pourraient ainsi tirer profit de l’instruction proposée et réussir matériellement leur vie. Les autres, au contraire, se sentiraient en marge de la société, considérés comme tel scolairement puis professionnellement, et cela engendrerait échec et absence de confiance en soi. Partant de ce postulat, tout le raisonnement développé dans NOTRE RÉVOLUTION INTÉRIEURE semble venir illustrer une citation d’Albert Einstein : « Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide ».
A travers l’exemple d’une école alternative au Chili, qui rejoint quelque part l’approche Montessori, on perçoit ainsi clairement l’efficacité d’un système scolaire permettant à chacun de développer ses compétences à partir de sa sensibilité et de sa personnalité propre afin de pouvoir, à terme, s’épanouir au sein d’un groupe (la Société). Ce type d’éducation incluant l’apprentissage du respect de l’autre, l’incitation à la réflexion individuelle et à l'esprit critique, l’entraide, la médiation, ainsi que la familiarisation avec la nature et l’Ecosystème, paraît longue et difficile à mettre en place à grande échelle mais il existe déjà quelques initiatives (cf prochainement le documentaire Une idée folle). En attendant, pour compenser les effets pervers d’un système d’éducation standardisé, il incombe logiquement aux parents de prendre le relai. Il leur revient la responsabilité d’inculquer à leurs enfants les valeurs fondamentales et l’ouverture d’esprit qui leur permettront de se réaliser pleinement en se forgeant un libre arbitre. Cela induit donc une inégalité des chances de départ car, indépendamment du milieu social, tous les parents n’ont pas le même temps ou la même capacité de transmettre ces outils à leurs enfants.
PHOTO : Tupaq Sonqo, leader spirituel officiel des peuples du Pérou, livrant son expérience et sa vision de l'existence
C’est cependant ici que le documentaire prend tout son sens car ces jeunes là nous indiquent que, quelle que soit l’éducation reçue, il existe toujours une voie permettant d’apprendre à réfléchir par soi-même et d’appréhender le réel tel qu’il est, avec ses infinies possibilités, et non tel qu’il nous est présenté. Pour ce faire, la règle première serait d’apprendre à se connaître soi-même, ses désirs et son fonctionnement propre, pour pouvoir adopter un mode de vie correspondant, pour « s’aligner ». Les différents intervenants nous expliquent que la connaissance de soi passe principalement par le temps que l’on s’accorde pour réfléchir, écouter son ressenti (par le biais de la méditation notamment) mais aussi par l’observation, l’échange avec les autres et la lecture. Par exemple, dans une lettre que l’un des protagonistes écrit à sa grand-mère, il explique de façon intéressante tout ce que le vivre ensemble (sur le bateau) lui révèle de lui-même, exactement dans les mêmes termes que s'il avait entrepris une psychanalyse. Il existe donc maintes façons d’apprendre à se connaître mais on ne peut en faire l’économie pour être libre et devenir “roi de son chemin”.
Si le film se révèle plus rythmé et cinématographiquement plus intéressant dans sa première partie, il reste passionnant et instructif dans son intégralité par la diversité des thèmes abordés. Simple et efficace, à travers ses questionnements sur l’éducation, et sur la nécessité de vivre en harmonie avec la nature, il nous renvoie à l’urgence de remettre en ordre notre intérieur pour améliorer l’extérieur, notre réalité. Autre témoin de cette mouvance actuelle, le récent long-métrage Captain Fantastic pose les mêmes questions et traduit, de façon extrême et romancée, cette volonté émergente d’extraire nos enfants d’un système limitatif et néfaste à l’épanouissement de l’individu au profit d’un système respectant et aiguisant davantage nos aptitudes physiques et intellectuelles naturelles.
Par Stéphanie, pour Le Blog du Cinéma