"C'est d'abord à un lieu, l'autoroute, la voie proprement dite et ses abords (aire de repos, station-service, hôtel) que réfère ce film. C'est d'abord ce lieu vaste mais clos - et ce film ne serait-il pas à sa façon un huis clos ? - qui imprime l'image et la pensée du film. L'autoroute est donc consubstantielle à l'histoire que nous racontons. Dans la genèse de l'écriture, l'imbrication du récit et de l'image s'est faite très tôt, comme si le désir de filmer ces lieux avait déterminé l'histoire tant il est impossible de l'imaginer ailleurs, à commencer sur une simple route. Car la route, c'est le lieu de tous les possibles : on peut s'arrêter, bifurquer, revenir en arrière à tous moments... L'autoroute est plus angoissante avec son tracé à sens unique. C'est tout droit, c'est comme la vie, dans la contrainte du temps qui passe et de la sortie obligatoire... La route, c'est la liberté; l'autoroute, la fatalité." dixit Jean Berthier dans l'une de ses notes d'intentions.
Le récit ne commence ni ne s'arrête, il s'imbrique dans l'histoire d'un couple et leur fille, une tranche de vie d'apparence désuète; long trajet en voiture passant par l'autoroute dans une berline grise aux regards las sur le paysage défilant et la radio bloquée de musiques d'ascenseurs destinées aux trentenaires et plus, lorsqu'un flash info vient leur avertir d'un accident quelques kilomètres plus loin ayant pour description les mêmes détails que leur condition, jusqu'à la plaque d'immatriculation.
Le doute est planté, de cette fantastique information les questions affluent; nouvelle erronée, s'arrêter et vivre dans un motel de bord de route pour une perdition hors du temps, l'envie de vivre, d'aimer ou de mourir...
De ce(s) thème(s) Jean Berthier filme en jouant habilement avec les points de vues et les plans intérieurs/extérieurs tout en laissant une image d'intimité de poésie permanente. La musique originale de Nicolas Brasart livre un morceau jazzy à l'instar des standarts FIP et un bien beau thème au piano ni trop imposant ni trop discret, faisant ressortir la distance avec laquelle ces personnages ont des pensées sur leur vie, leur rapport à la mort. Et si le jeu du mari tout en regards perdus et "en à côté" avec une voix monotone rappelant les doublages français des vieux nanards des années 70, les deux autres acteurs sont très juste (mention spéciale à Emeline Sannier, la fille).
Un film à voir pour ses images et ses idées, et pour sa durée n'excedent pas les 20 minutes!
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