Durant la Première Guerre mondiale, lorsque les hommes partaient au front, les femmes et les enfants travaillaient aux champs. C'est à ce moment que le gouvernement a pris conscience de l'importance des paysans. Les bœufs, essentiels pour les travaux agricoles, étaient réquisitionnés, ce qui rendait encore plus difficile le travail de la terre. De nombreux villages ont été rasés et les terres ont dû être retravaillées en enlevant les obus et autres éclats. Encore aujourd'hui, on en retrouve les traces.
Après la guerre, l’utilisation d'engrais, notamment du phosphate provenant du Maroc, s'est généralisée. Parallèlement, les infrastructures comme les chemins de fer et l’électricité ont été mises en place. Les hommes ont quitté les campagnes pour s'installer en ville, préférant travailler dans les usines. Au fil des années, la population urbaine a largement surpassé celle des zones rurales.
En 1936, le Front populaire de Léon Blum a permis de sauver les paysans, mais la situation se dégrada ensuite avec l’arrivée du régime de Vichy sous Pétain. Ce dernier a réquisitionné les récoltes et le bétail des paysans (beurre, viande de cochon, poulet, etc.). Face à cela, les paysans ont souvent caché une partie de leur production dans des champs voisins (résistance passive). Le gouvernement, ne se contentant pas de ces réquisitions, est allé jusqu'à exiger les tampinauboures, la nourriture des bétails. Sans cela, les animaux mourraient.
Pendant ce temps, le Nord de la France, riche en ressources, était occupé par les Allemands, tandis que dans le Sud, notamment à Marseille, la famine faisait des ravages. De nombreux citadins venaient vers les paysans à la recherche de nourriture (œufs, beurre, viande). Ces derniers étaient souvent perçus comme des profiteurs, alors qu'en réalité, beaucoup d’entre eux avaient rejoint la résistance.
Après la Seconde Guerre mondiale, la France était en ruines, et la nourriture était importée des États-Unis. L'Église catholique en France a alors créé la Jeunesse agricole catholique (JAC). Pour de nombreux Français témoignant de cette époque, il s’agissait non seulement d’un lieu de partage religieux, mais aussi d’une école rurale abordant les défis futurs de l’agriculture. C’était aussi un espace où les filles se retrouvaient pour échanger et prendre une certaine forme d'indépendance.
Plus tard, De Gaulle a voulu que la France ne dépende plus de l'Amérique, mais qu'elle devienne une grande puissance agricole et exportatrice. À cet effet, les agriculteurs ont reçu des formations et des conseils pour moderniser leurs pratiques. On leur a conseillé d’utiliser des engrais, de nourrir les animaux au soja et d’être moins sensibles à leur bien-être. En l’espace de 20 ans, la France est passée de la pénurie à la surproduction.
Cependant, pour mécaniser leur exploitation, les paysans se sont lourdement endettés, et, avec l’inflation galopante, leurs revenus ont chuté. L’agriculture a continué d’évoluer, et les coopératives ont encouragé l’utilisation de fongicides et de pesticides. Elles proposaient des variétés de blé fragiles, nécessitant l’usage de produits chimiques pour accroître la production. En conséquence, en quelques années, de nombreux paysans sont tombés malades, tandis que d'autres se sont retrouvés ruinés, dans une profession marquée par un taux de suicide parmi les plus élevés.
Un paysan disposant de bonnes terres n’avait jamais connu une telle situation. Lorsque la pluie tombait, l’eau ruisselait sur ses terres en pente. Cela signifiait que la terre, compactée par les pratiques agricoles, n’absorbait plus l’eau. Les produits chimiques utilisés ont empoisonné les sols, et les autorités ont même recommandé aux agriculteurs de porter des masques et des gants pour se protéger.
Autrefois, la vie se nourrissait uniquement des produits de la terre. Aujourd’hui, nous vivons principalement des industries et des services. Nous avons ainsi effectué un véritable saut d’une civilisation agricole vers une civilisation industrielle.