Corto Fajal, réalisateur-explorateur breton qui nous avait transmis dans son premier long métrage Jon face aux vents la vie des éleveurs de rennes du Grand Nord, a cette fois souhaité saisir un peuple à la croisée des chemins, à ce moment où il peut encore décider de trouver un développement réfléchi qui lui permettra de préserver son lieu de vie (et donc indissociablement lui-même) ou de se perdre dans une fuite en avant dévastatrice.
Complémentaire de l'approche du chercheur américain Jared Diamond qui avait étudié le cas de l'île dans son passionnant manuel de collapsologie Effondrement, celle de Corto Fajal tient davantage du poème visuel. Inventant son propre chemin en lisière du documentaire ethnographique et du reportage journalistique, le cinéaste a ainsi tenu le pari audacieux de faire découvrir Tikopia à travers un dialogue fictif qu'entretient l'île avec son roi pour retracer son passé et s'interroger sur son avenir. Cette anthropomorphisation poétique du petit volcan habité pourrait paraître maladroitement new age dans un autre contexte, mais elle sied bien à l'animisme local, dans lequel le réalisateur voit un espoir de salut et une source d'inspiration. L'état des lieux romancé qui en résulte se révèle en tout cas riche d'enseignement, tant les problématiques écologiques qu'affronte le microcosme tikopien sont les reflets de ceux qui concernent la planète entière.