A Los Angeles, plane un air lancinant qui chuchote ses chansons mais voit siffler un refrain malheureusement aussi inquiétant. Sous ce soleil doré, la jeunesse est grivoise, droguée et enjouée mais va être petit à petit décimée. Avec son léger visage iconique, et ses peintures fluorescentes qui surplombent les longues routes de la cité des anges, Gregg Araki achève sa trilogie de l'apocalypse dans un marasme psychédélique juteux nommé Nowhere.


Sur la route de Dark, jeune adolescent blasé vivant à Los Angeles, Gregg Araki invite à sa petite sauterie, un lézard géant qui se met à tuer les humains, armé d'un pistolet laser futuriste. Comme à son habitude, le réalisateur américain matérialise avec un certain fétichisme ses références par une exubérance punk où le je m’enfoutiste côtoie avec aisance une facette à la consonance macabre : une possibilité pour les personnages de voir cette quête funèbre marcher sur les traces d'une jouissance commune et psychédélique.


Alors que Doom Generation déambulait sur le prisme de l’imagerie initiée par MTV, Nowhere lui s’évapore vers d’autres contrées, et change de braquet pour devenir un hommage parodique au monde des sitcoms tels que "Beverly Hills " et "Melrose Place". Vision psychédélique des années 90, introspection d'une Generation X aux abois où la cellule familiale et parentale est littéralement aveuglée par l'omniprésence d'une télévision abrutissante et bienpensante, le film est surtout un dragibus qui pétille dans la bouche, une petite boule d'énergie férocement intrépide poussant ses situations à l’extrême jusqu’à toucher du doigt l’autodérision.


Avec ses personnages délurés aux noms à coucher dehors, aux looks fantasques et aux cheveux peroxydés, qui ne pensent qu'à faire la fête ou à baiser, Gregg Araki continue à contourner les traits de son cinéma excentrique en mélangeant les sexualités et les genres ; perception qui permet au cinéaste de déconstruire un environnement moralisateur et de décatégoriser une société trop balisée et aux étiquettes préconçues.


En ce sens-là, il n’épargne pas une certaine partie de la religion, cet « opium du peuple » miséreux, composé de charlatans qui embrigade les âmes perdues et dévastées. L.A. est filmée de façon très surréelle, ville vivante où toutes les libertés sont permises. Visuellement, Gregg Araki imagine, trifouille dans le milieu underground, décore les chambres des adolescents de colorations acides comme si ces dernières étaient peintes par rapport au subconscient de l’hôte, comme si elles étaient un espace mental et créateur.


Cette génération dont la seule obsession est la quête de plaisir ne sait plus si elle rêve ou si elle vie. Elle ne fait plus la différence entre réalité et cauchemar. Le film fait constamment référence à la mort et à la déchéance psychologique de ses adolescents en quête sensations fortes. Mais la jouissance ne leur suffit plus, le degré d'excitation et de folie doit arriver à son paroxysme et cela passe la mort. Se demandant si l'amour existe toujours, le film se termine de manière burlesque prenant à contre pieds les happy end futiles. Drôle, revigorant, Nowhere est le film pop parfait.

Velvetman
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le 17 sept. 2018

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