La nouvelle bombe de Lars Von Trier
Le nouveau film de Lars Von Trier n'est pas aussi racoleur que son titre et sa promo le laissent supposer. Nymphomaniac, malgré sa trame axée essentiellement sur la vie sexuelle de l'héroïne, est un parcours intiatique 'comme un autre' raconté à la première personne. C'est avant tout l'histoire de cette fille qui se hait tellement, qui a tellement besoin d'attention, qu'elle se répète à elle-même et à qui veut l'écouter qu'elle est la pire personne au monde, si cela peut la rendre spéciale.
Une grande place est laissée à la métaphore et à la douceur à travers le personnage de Stellan Skarsgård, qui permet de relativiser les situations parfois sordides du récit de Charlotte Gainsbourg.
Evidemment provocant, comme à l'habitude de Lars Von Trier, ce film est cependant également une réflexion sur le rapport de cette jeune fille à son corps et aux autres.
L'histoire de cette jeune fille, racontée rétrospectivement par une Charlotte Gainsbourg abimée par la vie et qui nous laisse entrevoir assez nettement que ce mode de vie ne l'épargnera pas, suscite néanmoins diverses émotions à mesure que le film avance, de la compassion au dégout en passant par l'incompréhension. Les questions posées vont de 'pourquoi?' à 'pourquoi pas?', le sexe devenant pour cette fille une façon de gérer ses émotions, strictement comme certains utilisent la nourriture ou n'importe quel autre 'pêché'.
L'histoire bascule évidemment quand l'Amour s'invite dans l'histoire, de manière imprévue par l'héroïne, donnant au film un souffle de sincérité qui est le bienvenu. Si cela peut sembler très classique, c'est entre autres ce qui sert de garde-fou à ce film et l'empêche de n'être perçu que comme un simili-porno à but uniquement provocateur.
La jeune Stacy Martin, mannequin filiforme aussi expressive qu'inexpressive à qui a été confié le rôle des jeunes années de Charlotte Gainsbourg, est très convaincante dans ce premier film.
On ne peut également qu'être bluffé par l'ascension de Shia LaBeouf dans les grandes sphères du cinéma. Jeune star de la série Disney 'La Guerre des Stevens' et depuis cantonné à des seconds rôles ou des blockbusters interchangeables tels que 'Transformers', il est très étonnant de le retrouver dans un rôle aussi explicite et complexe sous la direction d'un des réalisateurs les plus controversés de ces dernières décennies. Le pari est plutôt réussi, et il est encore plus étonnant de le trouver aussi convaincant dans le rôle de cette homme à l'air trop jeune et bon à rien.
Enfin, la scène avec Uma Thurman est exceptionnelle, si dérangeante qu'on aurait envie de rire pour ne pas pleurer.
Si je suis sortie de Melancholia avec les symptômes d'une dépression, Nymphomaniac m'a laissée pensive et impressionnée.
La suite, qui s'annonce encore plus sombre, apportera les réponses à la situation actuelle de Charlotte Gainsbourg. Sans laisser de véritable suspense à la fin du premier film, Lars Von Trier - qui avait souhaité que le film soit diffusé en un bloc de 5 heures - laisse son spectateur curieux de suivre la suite du parcours de cette femme qui a décidé qu'elle était un monstre afin de justifier une vie qu'elle ne comprend pas vraiment elle-même.