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Attention, des spoilers hantent cette critique. Si toutefois vous avez déjà vu Vertigo, vous pouvez y aller sans crainte, c’est la même chose.


On le sait que Brian De Palma est un gars qui pense à des plans avant de penser à des films. Un réalisateur obsessionnel qui peut partir une séquence en tête et brode autour, avec parfois une certaine réussite (Snake Eyes), parfois un échec cuisant (Femme Fatale). C’est également un cinéaste qui a du mal à se départir de son maître à penser le cinéma : Hitchcock. Il n’a donc pas pu s’empêcher de faire sa propre version de Vertigo, ce qui au vu de la notoriété de l’original est plutôt osé. Mais comme il le révèle en interview, l’objectif n’était pas de rendre hommage mais de gommer les imperfections. C’est une ambition assez vaine, d’autant plus quand on voit le résultat final…


Quel est l’intérêt de revisiter l'œuvre du Master of Suspense? Une œuvre qui a marqué le medium et donc l’inconscient collectif, et dont le pot aux roses est logiquement connu du plus grand nombre. Une œuvre dont le manque de crédibilité du scénario faisait déjà partie des reproches qui lui étaient attribuables, mais qui tirait son épingle du jeu par tous ses autres aspects formels. Je n’en vois pour ainsi dire aucun.


Le twist est éventé d’office lorsque l’on connaît le modèle, mais même sans ça, les indices laissés à côté sont vraiment trop gros : de la fresque qui en cache une autre (subtil) peinte par Bernado Daddi (Daddi… Vous l’avez? C’est trop subtil?), à un trio de kidnappeurs où l’on ne voit qu’un duo sortir avec un paquet de couvertures, en passant par la similitude entre l’église florentine centrale et le caveau familial, tout est tellement cousu de fils blancs que l’on se demande si Obsession peut vraiment être qualifié de thriller. Ajoutez à cela un plan de fausse monnaie à rançonner complètement débile, et le personnage fadasse, Max, campé par Cliff Robertson que l’on aimerait nous faire paraître séduisant alors qu’en réalité, ses longs regards muets et son âge avancé ne le rendent que gênant et empêche de croire un seul instant que la jeune Geneviève Bujold pourrait tomber sous son charme. Rien ne fonctionne dans la narration, et on s’y ennuie même tant le tempo est léthargique.


Non, s’il y a bien une chose à sauver de Obsession, c’est la qualité technicienne de son auteur. Il fait usage de toute la palette disponible d’instruments et outils pour servir le sensoriel. Et encore… D’une image diffuse à différents degrés pour à la fois marquer l’ellipse temporelle et le côté onirique des errements de Mike, on notera tout de même la laideur globale que cela apporte. De l’usage d’une lentille bifocale pour avoir deux vecteurs de mise au point dans un même plan afin d’isoler le personnage tout en gardant une netteté sur son interlocuteur, on retiendra que ça ne fait que marteler l’évident. De la musique de Bernard Herrmann, très belle au demeurant, on ne se souciera que de sa surprésence, envahissant chaque minute du film.


De Palma se vautre dans son exercice stylistique, et oublie que le langage cinématographique ne se suffit pas à lui-même, qu’il est censé être un support pour communiquer des émotions, des sensations, des histoires prenantes ou suscitant la réflexion. Comme tout langage, il doit s’adresser à quelqu’un. Ici, De Palma ressemble à un gamin qui a entendu plein de nouveaux mots à l’école mais dont il ne maîtrise pas le sens: il les recrache sans leur donner de contexte et livre un charabia imbuvable. Pourtant, je suis habituellement plutôt client du bonhomme.


Créée

le 6 juin 2024

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Frakkazak

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