Tourné avec une pellicule noir et blanc, THE HAPPIEST DAY IN THE LIFE OF OLLI MÄKI ne joue pourtant pas la carte de la reconstitution historique. L’affrontement de 1962 entre le boxeur finlandais Olli Mäki (Jarkko Lahti) et le champion du monde américain poids plume, n’est que le prétexte à l’exploration d’une tension entre le sentiment amoureux et la pression de la réussite. D’un côté, l’ancien boulanger communiste d’une province reculée de Finlande est préoccupé par son flirt avec une jeune femme (Oona Airola). De l’autre, les investisseurs, le public et son coach qui l’encouragent à se concentrer sur le match. Ainsi, le « plus beau jour de la vie de Olli Mäki » ne l’est pas forcément pour les raisons qu’on croit au début du film. Le propos est plutôt simple, mais grâce à la performance remarquable des deux acteurs principaux, on se plaît à suivre cette idylle sur fond d’entraînement sportif.
La matière historique qu’exploite le réalisateur Juho Kuosmanen est tout de même assez limitée. On sent que certains éléments servent à rallonger une intrigue qui n’aurait peut-être pas dû tenir sur 1h32. Le plus dérangeant est selon moi l’insistance à nous rapporter les évolutions du documentaire qu’une équipe de télévision vient tourner sur Olli Mäki afin d’exacerber le sentiment de fierté nationale. Ce procédé de mise en abîme a exactement les mêmes travers dans lesquels était tombé Bennett Miller pour Foxcatcher. Le dispositif documentaire est montré dans OLLI MÄKI et Foxcatcher comme un moyen de propagande, un regard qui falsifie la vérité en mettant en scène un réel idéalisé, dont seule la fiction aurait la légitimité d’évoquer. Dans OLLI MÄKI, on sent que le documentaire est censé être un repoussoir pour que la fiction sur le boxeur gagne en crédibilité et en vraisemblance. La démarche n’est pas très sérieuse car des documentaires appartenant au cinéma vérité émergent justement dans les années 60.
Dans certaines de ses interviews, le réalisateur Juho Kuosmanen confie qu’il a été séduit par l’histoire d’Olli du fait des parallèles qu’il a pu tisser entre sa propre situation et celle du boxeur. Bénéficiant d’une publicité imprévisible avec son court-métrage de fin d’études, The painting sellers (2010), Kuosmanen a senti le poids des attentes des institutions, de son entourage et du public finlandais. Après une telle exposition précoce, le réalisateur était « contraint » à réussir. La pression sociale qui entoure la fabrique d’un héros national dans OLLI MÄKI est donc une mise en abîme de la situation que vivait Kuosmanen. Sauf que sans l’explication de ce contexte, le documentaire présenté dans la fiction accentue la distance entre Mäki et le point de vue de Kuosmanen au lieu de les rapprocher.
« Les rares combats et entraînements de Olli Mäki sont filmés dans un style très réaliste »
Diamétralement opposé à cet artifice de mise en scène, les rares combats et entraînements sont filmés dans un style très réaliste qui tranche avec l’esthétique attendue des films de boxe (l’hyperréalisme testostérone de Southpaw ou le noir et blanc stylisé de Scorsese dans Raging Bull). La caméra n’enregistre aucun ralenti, les poings frappent trop vites pour qu’on perçoive le mouvement. Seul le son témoigne de la violence des coups. Le combat final, d’une brièveté surprenante, va à l’efficacité et à la simplicité. Le film embraye aussitôt sur la romance pour un plan final dont la durée gagne à être savourée.
A rebrousse-poil du biopic attendu, OLLI MÄKI n’est pas dénué de défauts, mais reste un excellent premier film qui inaugure une belle carrière pour Kuosmanen à condition de laisser de côté la propension à parler de soi au-travers de ses personnages.
Par Thomas, pour Le Blog du Cinéma