J’ai vraiment une certaine sympathie pour HPG, surtout après avoir vu le documentaire de Raphaël Siboni Il n’y a pas de rapport sexuel, sorte de personnage atypique et haut en couleur qui prend son art et son business d’une bien étrange manière, le charismatique divin chauve trainant son zob depuis 20 ans dans le porn-game en a gros, il en a marre, il est à bout, il veut s’extirper de ce milieu et s’éveiller au "cinéma" un bonne fois pour toute. On ne devrait pas exister est son premier long métrage et une chose est sûre, il ne peut laisser indifférent.
Le film est construit avant tout comme une fiction hybride, HPG se met lui même en scène dans un rôle quasi autobiographique, il apparait sous les traits de Hervé un acteur porno sur le déclin accroché au personnage de Condoman, sorte de héros grotesque aux bras et jambes entourés de papier toilette, tout en continuant de sillonner les plateaux de tournage du milieu pornographique. Alcoolique et ingérable il finit par claquer la porte du X pour prendre des cours de théâtre, rempli de bonnes intentions il affronte la foule des regards critiques et accusateurs, fait des rencontres, communique, apprend, expérimente, il veut tout simplement exister dans un monde qu’il ne maitrise plus.
Il est en premier lieu très difficile d’aborder le film puisqu’on ne sait pas vraiment où se situer par rapport à ce que le réalisateur veut nous dire et nous faire partager, est ce une fiction ? Un point de vue direct ? Quelle est la part du "réel" ? Évidemment ce qui frappe c’est l’amateurisme ambiant, à mon avis totalement assumé, mais malgré cette volonté sincère il est plutôt compliqué de prendre la chose au sérieux, même un minimum, c’est pour moi une des erreurs du long métrage, il ne met pas à l’aise dans le sens où les défauts de technique et de mise en scène sont apparents tout en faisant du premier degré fictionnel. La séquence du tournage porno est assez insupportable puisqu’elle est affreusement cabotine et surjouée, à ce moment précis je me suis dis que le projet se lançait dans quelque chose de complètement faux et criard, et c’est confirmé par la suivante, celle du cours de théâtre, où Hervé en fait des caisses face à des apprentis comédiens. Et le pire c’est que le réalisateur rajoute des artifices musicaux pour étayer grossièrement son propos sous-jacent de l’acteur malade, on fini par être agacé, mais ce qui fait la différence presque paradoxalement c’est que cette séquence dure et s’étale jusqu’à ce que cette pseudo parodie de théâtre finisse par provoquer un autre sentiment, le malaise, et le réel (notamment dû à l’improvisation) se détache petit à petit de la fiction, et là c’est intéressant.
Bon bien sûr niveau mise en scène on est loin d’un Entre les Murs mais il se passe quelque chose, la caméra se replace à l’épaule, au plus près des visages, ça calcule moins, et Hervé dans sa petite crise semi éthylique fini par nous toucher, s’en est même drôle aussi de voir de mauvais comédiens dénoncer le surjeu, et c’est ici que le virage principal du film est abordé, on se demande vraiment si tout cela n’est pas une sorte de mascarade savamment orchestrée. Et je pense qu’une fois conditionné à ce sentiment l’expérience est tout autre, s’en suit une sorte d’apprentissage du métier d’acteur sous forme de petits morceaux décalés, ça m’a sensiblement rappelé Les clefs de bagnole de Baffie, l’acteur-acteur, et HPG se lâche et on capte un certain talent. Il y a du propos, des réflexions, des divergences de style, c’est tout sauf inintéressant, et le réalisateur va également s’attarder sur sa propre part d’ombre qui semble le tracasser, il y met toutes ses tripes, peut être même trop, ce qui rend de temps à autre son introspection braillarde comme mégalomane. On s’interroge toujours autant sur cette fameuse part autobiographique, si HPG n’est pas un peu le Michael Keaton de Birdman, dans cette quête de reconnaissance du public, ou le fait il pour lui même …
La dernière partie du film est à mes yeux la plus symptomatique et intéressante car elle est la plus concrète, il invite le réalisateur Bertrand Bonello (qui avait d’ailleurs dirigé HPG dans Le Pornographe) pour l’aider à atteindre son but, réussir à canaliser ses pulsions pour s’en servir à bon escient, comment interpréter le mensonge dans l’excès ? Comment modérer la folie ? C’est tout cet exercice d’intériorisation capté de manière pour le coup très brute qui se révèle assez fascinante, on voit ce type en slip tenter de faire tomber l’armure dans la douleur de l’instant, sous le poids du regard et du silence, mais le résultat n’est qu’impuissance et dénis de soi. La nature humaine est trop dure à surpasser, s’absoudre de ses instincts, quel est le but de ce métier si ça n’est que continuer à se mentir soi-même ? Telle est la question que se pose Hervé/HPG pour n’y trouver finalement aucune réponse, si ce n’est qu’une pure ironie qui le ramènerait en quelque sorte à son point de départ, ce parcours initiatique aura t-il servit à autre chose ? Possible, après tout jouait-il vraiment un rôle ? Oui et non, toute l’ambiguïté est là.
On ne devrait pas exister est assurément un film pas comme les autres, il y a un indéniable courage derrière tout ça, le mec pose ses couilles sur la table, certes avec pas mal d’indélicatesse, son projet n’est pas exempt de maladresses, mais cette réflexion sur le métier d’acteur dans une propre interprétation rend le projet forcément assez singulier et intéressant. Après je reconnais qu’il est difficile de l’aborder tellement il peut paraitre excessif dans bien des aspects, on pourra légitimement se poser la question : coup de génie ou délire prétentieux ? Je ne saurais vraiment répondre.
PS : À noter également la prestation troublante de fragilité de l'actrice et performeuse underground LZA.