On tender hooks ne cache pas les mutilations, il en donne même le mode d'emploi, dans le cadre d'un groupe renommé de pratiquants, qui se sont associés pour pouvoir pratiquer le body suspending à la fois en sécurité, et en investissant dans du matériel leur permettant de donner libre cours à leurs recherches. Le documentaire évacue très vite l'aspect sexuel qui est habituellement sous entendu dans les pratiques de la douleur auto-infligée, elle ne semble pas être le moteur de la majorité des abonnés (aucune idée des éventuelles sélections des membres). La recherche semble être davantage dans un mélange de contrôle de soi, et une sorte de souffrance métaphysique qui prend différentes inflexions. Gestion de sa souffrance et de ses frustrations quotidiennes (une philosophie de scarification régulatrice en quelque sorte), maîtrise de la douleur, chacun organise son petit rituel pour sacraliser la séance selon ses priorités. Et puis, il y a les artistes. Ceux qui cherchent ouvertement à faire de l'art avec le corps, à mettre en scène leur rituel, à s'imposer des challenges pour rendre leur séance plus stimulante, à la fois pour eux et pour leur assistance. Chacun varie les points d'ancrage (généralement le dos, mais tous les endroits du corps peuvent être mis à contribution, le tout est de bien positionner les crochets lisses qui servent à la suspension), se servent de rails spéciaux prévus pour y accrocher plusieurs filins, afin de répartir le poids sur tous les points d'ancrage. Le body suspending devient alors une variation extrême du bondage dans le visuel, l'organisation des filins et des crochets devenant alors l'oeuvre. Chaque intervenant prend le temps de développer ses avis, pour ceux qui s'intéressent à l'intellectualisation du spectacle. Il convient néanmoins de relever que ce documentaire, plutôt court, déborde d'informations, qu'elles soient techniques ou de purs ressentis des acteurs, tout en restant concentré sur son sujet (une chose qu'oubliait de faire l'autre documentaire extrême No Body is perfect, qui partait dans tous les sens sans cerner son sujet, en explorant le milieu underground, SM, gay...). Et qu'il laisse tout simplement parler ses images impressionnantes. Avec relativement peu de sang, le savoir faire des praticiens évitant les blessures en assurant au maximum la sécurité des pratiquants. A partir de là, on se laisse porter par la surenchère des pratiques, avec un point culminant d'adrénaline quand l'un d'eux se lance dans le saut à l'élastique avec les ancrages fixés sur la peau des omoplates. Et pour conclure, la première fois d'une nouvelle recrue (qui ressemble vraiment à madame tout le monde), histoire d'offrir un dernier ressenti sensitif de l'expérience. C'est finalement le foisonnement qu'a privilégié le documentaire sur son court sujet qui lui permet d'emporter l'adhésion, et qui parvient par son naturel à évacuer la dimension trash qui entoure les pratiques SM (en évitant le mauvais goût salutaire d'un reportage caméra au poing sur la Fistinière) pour laisser les pratiquants élever un peu le débat en analysant les pulsions d'automutilation qu'ils effectuent. En nous laissant entrevoir leur monde sans se contenter du scabreux.