Dur.
Le film se résume en une phrase: Une limace et un escargot traversent un champ de salade pour se retrouver au milieu et se tartiner de bave.
le 9 mars 2010
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En 2005, une adaptation d’un roman populaire dans la littérature anglaise (et encore un bouquin à lire un jour), Orgueil et Préjugés écrit par Jane Austen, connait une deuxième adaptation au cinéma après une version en noire et blanc sorti en 1940, sachant que ce roman a connu une série télévisé par le passé. Le projet est ici dirigé par un réalisateur britannique totalement inconnu du grand public, du nom de Joe Wright.
Il est étonnant pourtant de voir que pour son tout premier film et sur un projet aussi ambitieux, Wright réussie l’exploit de réunir certains acteurs qui se sont (ou se feront) un nom dans les années à venir, tel que Donald Sutherland alias le Président Cornelius Snow, Keira Knightley qui s’était déjà fait découvrir dans l’excellent Pirates des Caraïbes : la malédiction du Black Pearl, ou encore Rosamund Pike que l’on associe à Amy Dunn dans Gone Girl mais qui aura fait un passage, par la suite chez Christopher McQuarrie et Edgar Wright.
A sa sortie, cette adaptation a globalement su conquérir le public, que ça soit les lecteurs du roman ou bien les cinéphiles avec plus de 120 millions de dollars au box-office contre un budget assez restreint de 28 millions de dollars. Je pense donc qu’il y a une logique à commencer sa filmographie par ce film et à en parler dans une critique, surtout si ça a été un coup de cœur après visionnage (ce qui est mon cas).
C’est surtout dans la reconstitution de la société anglaise du 18ème siècle que ce film se distingue en termes de beauté visuelle. Le tournage s’étant déroulé dans des lieux historiques en Angleterre, Joe Wright en profite pour faire resplendir l’action des personnages ainsi que les décors à travers sa réalisation très fluide. Notamment avec l’usage de plan-séquence lors du bal de Netherfield ou l’on voit chacun des personnages centraux interagir pendant la soirée, la rendant très vivante aux yeux du spectateur. Ou encore le travelling rotatif qui se répète volontairement lorsque Elisabeth tourne sur elle-même sur une balançoire pour marquer son état de perplexité après un événement récent (que je ne divulguerais pas).
Au-delà de l’utilisation de ce genre d’effet, il utilise surtout sa caméra pour animer les paysages de la campagne britannique auxquels ils donnent une beauté envoûtante, que ça soit à l’ouverture ou lors des quelques cadres et plans fixes du film tel que celui sur la falaise ou Elizabeth lance un regard perdu sur l’horizon.
Esthétiquement Joe Wright est un faiseur d’image très compétent et il le prouvera également avec Reviens Moi et Anna Karénine (même si là, bon faiseur d’image ne veut pas forcément dire que le film est bon).
Ce film marque notamment la collaboration récurrente (3 films sur 6) entre Dario Marianelli et Joe Wright. Et sa partition justifierait qu’il soit impliqué dans des projets plus audacieux et ambitieux. L’instrumentation est classique mais très agréable à écouter, en particulier A Postcard to Henry Purce lors de la fameuse scène de danse entre Elizabeth et Darcy qui est absolument magnifique et en très bon accord avec ce que le cinéaste anglais filme à ce moment là.
Donc, la mise en scène, l’esthétique et la musique sont très soignées et reconstitue superbement cette époque. Qu’en est-il des personnages et de leurs interprètes ? Et bien à ma surprise, ne connaissant Keira Knightley que pour la saga Pirates des Caraïbes et Imitation Game avant de voir ce film, j’ais été surpris de la trouver bien plus à son avantage et bien plus à l’aise dans le rôle de Elizabeth Bennet que dans celui de Elizabeth Swan (deux Elizabeth pour le prix d’une). L’héroïne est par ailleurs très attachante par sa vivacité ainsi que son répondant et son histoire d’amour avec Darcy qui fait l’une des plus grandes forces de ce film.
Ce dernier est joué sobrement par Matthew MacFayden (qui jouera plus tard dans la version Paul WS Anderson des 3 mousquetaires… pauvre de lui). En principe il conserve un regard stoïque et peu expressif, et au vu du personnage et de son écriture, cela est tout à fait cohérent. Le personnage intéresse plus dans son écriture que pour son interprète j’ai envie de dire.
Les parents de la famille Bennet sont joués par Brenda Blethyn, la mère qui cherche à tour prix à marier ses filles pour assurer l’avenir de sa famille et qui arrive à faire sourire plus d’une fois par son obstination (je vous ais dis qu’elle avait la voix française du professeur McGonagall dans Harry Potter ?), et Donald Sutherland, dont le talent n’est plus à faire, dans le rôle du père Bennet plus en retenu par rapport à son épouse et qui se montre par moment lassé par les histoires de coeur et d'amourette de ses filles.
Parmi les rôles secondaires, on a la chance d’avoir Rosamund Pike avant qu’elle ne soit connue pour son rôle de disparu chez David Fincher et Jena Malone avant qu’elle ne participe aux Hunger Games pour le district 7. Mais si elles se laissent prendre au jeu dans leur costume d’époque, les deux amourettes qu’elles interprètent laissent plutôt à désirer. Autrement, on a aussi Kelly Reilly qui a également joué chez Zemeckis par la suite dans Flight. Rien d’extraordinaire pour les autres rôles, ils sont exploité correctement mais du bon boulot en somme niveau jeu d'acteur.
Maintenant au-delà de la forme, que donne le fond de cette adaptation ?
Etant donné que je n’ai pas encore lu le roman, je ne peux juger ce film que d’après ce que je peux voir ici. Et étonnamment, le film ne se contente pas d’être qu’une histoire de cœur et de romance entre Darcy et Elizabeth qui justifient à eux-seuls le titre même du film. Elle fait le portrait, loin d’être inintéressante, de la société anglaise à travers la vision du personnage d’Elizabeth lorsqu’elle rencontre d’autres protagonistes de tel ou tel milieu social (comme la famille de Darcy) et du travail visuel du cinéaste. Choix approprié puisque l’autre force du film est la manière dont se développera la romance entre elle et Darcy.
Parce que niveau humour, on ne peut pas dire que Joe Wright soit au point. Etant donné que les sœurs d’Elizabeth sont pour la plupart des donzelles assez lourde en quête d’un bel homme, on a le droit la plupart du temps à des réactions exagérées lorsqu’on leur parle de trouver un époux, même lors du bal de Netherfield ou deux d’entre elles jouent les picoleuses de service. Sans oublier que, allez savoir pourquoi, le film n’échappe pas à la tentative de nous faire rire en nous gratifiant d’une plan de testicule de cochon sous le regard de poisson de madame Bennet (et un plan de couille de porc : UN)… non vraiment, c’est pas très brillant, même dans ses autres films ça n’est pas vraiment sa force motrice.
Heureusement, l’histoire d’amour et la manière avec laquelle elle évolue entre Darcy et Elizabeth font toute la force du film. Etant tout deux issue d’un milieu très éloigné de l’autre (l’une est issue d’une famille assez modeste, l’autre d’un milieu bien plus aisé), leur première rencontre leur laisse que des impressions fermés à l’égard de l’autre ne voyant pas plus loin que ce qu’ils montrent à première vue. Mais au fil des rencontres, progressivement et sans jamais aller trop loin, leur relation évolue petit à petit en tentant de mettre l’autre à jour. Deux moments en particulier marquent cette tentative de percer l’autre :
la première est la scène de danse à Netherfield entre Darcy et Elizabeth ou tout deux semblent s’abandonner à l’autre en ignorant leur entourage, et la visite à la résidence de Mr Darcy ou, à ce moment précis, la vision d’Elizabeth envers lui prend un tournant quasi définitif.
Au final, je trouve qu’on a là une romance non seulement très sincère dans son évolution mais aussi étonnamment touchante une fois qu’on a bien appris à connaître Elizabeth et Darcy pendant près de deux heures à chacune de leur rencontre.
Le succès de Orgueil et Préjugés a permis à Joe Wright de lancer sa carrière avec, jusqu’à présent, six films à son actif : Reviens-Moi qui se distingue plus par son esthétique pour le coup, Le Soliste ou on a la chance de voir un Robert Downey Jr. sensible et Jaimie Foxx en schizophrène virtuose en musique, une tentative loin d’être rejetable d’adapter Peter Pan autrement à l’écran mais pas séduisante malgré tout, un film d’assassinat Hanna avec Cate Blanchett et le Hulk premier du nom en la personne de Eric Bana et une tentative audacieuse visuellement mais terriblement ennuyante dans son fond et qui n’arrive jamais à rendre ses protagonistes intéressant un seul instant avec Anna Karénine.
Quant à Orgueil et Préjugés, si elle n’échappe pas à quelques légères maladresses, ça n’en reste pas moins un film aussi beau dans sa direction artistique que dans son fond et jusqu’à présent, le meilleur long-métrage de Joe Wright dont j’espère voir prochainement de nouveau projet prendre jour. Une filmographie qui mérite d'être découvert selon moi.
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Créée
le 9 mai 2016
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