Sortie en 2013, le premier Pacific Rim avait su plaire aux critiques grâce à sa lettre d'amour généreuse au Kaiju Eiga et l'ampleur de la mise en scène de Guillermo del Toro. Le film n'a pas été un gros succès au box-office mais a été sauvé par le marché chinois où là il a plutôt bien marché, de quoi voir 5 ans après l'émergence d'une suite. Exit del Toro et ses acteurs fétiches pour ce deuxième film qui se voit dirigé par Steven S. DeKnight, scénariste de séries qui avait fait ses preuves en showrunnant l'appréciable série Spartacus et la très bonne première saison de Daredevil. Il vient donc se lancer dans le cinéma avec un film d'ampleur et prend la place d'une pointure en opérant un semi-reboot de la franchise dans le but de lancer une saga sur plusieurs épisodes.


Quand on voit que la plupart des scénaristes qui ont écrit ce Pacific Rim Uprising viennent de la télévision, on sent que ce nouveau film sera dans la mouvance des blockbusters actuels. A savoir des films qui ne sont plus pensés en tant que film mais en tant que pilote de série qui doit servir de base pour de futurs opus. En résulte une générisation par le bas des films à gros budgets qui finissent par tous se ressembler mais aussi des œuvres qui globalement échouent à créer quoique ce soit en terme de spectacle ou d'émotion. Seul Marvel a véritablement réussi à exploiter ça de manière correcte grâce à un style de production exemplaire. Certes, leurs films tendent à tous se ressembler mais arrivent à se maintenir sur une ligne qualitative allant du correct au vraiment bon. Mais voir une telle démarche appliquée à Pacific Rim vient indubitablement faire grincer des dents car le premier film était absolument le contraire de ça. Il voulait proposer une alternative à ce genre de blockbuster dans un spectacle inédit et bourrée d'identité, un film littéralement hanté par son auteur. Certes, dans son écriture il n'évitait pas certaines facilités et clichés comme il ne volait pas très haut mais il proposait avant tout des ressorts d'écritures issues des mangas dont il s'inspirait ce qui le rendant rafraîchissant face à la vague du tout venant hollywoodien. De plus, il parvenait à laisser ses personnages respirer et les traitait avec tellement d'amour qu'ils devenaient attachants ou au moins un tant soit peu intéressants.


Ici, Pacific Rim Uprising rentre dans le rang. Que ce soit dans ses clichés, la caractérisation des personnages ou encore les raccourcis qu'il emploie, tout sent le produit américanisé et aseptisé. Pire encore, le film se montre même incohérent avec le précédent notamment lorsqu'on découvre qu'un des personnages continue à dériver avec le cerveau de kaiju du premier film (ce qui est important car ce cerveau va même le "posséder") alors qu'il nous était bien préciser dans le 1 que ce cerveau était désormais mort et inutilisable. Ce qui fait que toute l'intrigue de ce second film repose sur une erreur d'un amateurisme effarant et témoigne de la qualité risible de l'écriture. Les insultes au précédent ne s'arrêtent pas là avec le fils du personnage d'Idris Elba qui sort dont ne sait où, le fait que le programme Jaeger soit resté opérationnel alors que cela ne se justifie en rien suite à la fin du premier opus ou encore le film fait mourir un des personnages importants (et accessoirement le plus attachant) de manière tellement détaché que ça en devient aberrant. De plus, le personnage qui faisait office "d'alter ego" de del Toro dans le précédent opus, une sorte de rêveur excentrique fan des gros monstres, se retrouve ici en méchant caricatural dans un rebondissement digne des pires séries Z. Quand un de ses amis s'amuse en plus à lui dire que sa création a été utilisée par d'autres pour qu'elle soit pervertie, l'aspect méta n'en devient que plus ironique.


Car dans tout ce que ce film tente d'accomplir, il ne réussit rien. Ni à être une bonne suite en raison de l'irrespect qu'il a pour son héritage et toute les incohérences qu'il met ni dans sa capacité à être un bon hommage à son genre, ses piètres tentatives se résumant juste à des easter eggs criards. Le récit est prévisible et couillon, facilitant tout ce que le précédent nous avait présenté sur son univers. La dérive est ici réduite à peu de choses et les personnages n'en sont que des coquilles vides interchangeables. Le parcours du héros est déjà-vu et même pas traité de façon intéressante et les personnages secondaires sont tous plus clichés les uns que les autres. La palme revenant à l'ado qui accompagne le héros et qui est l'adolescente totalement fan et rebelle qui force son côté badass et qui a directement été volée du dernier Transformers tellement les deux ados de ces films sont trait pour trait les mêmes. On se retrouve donc face à des persos insignifiants dans un scénario bête comme pas permis et le tout est joué par un casting de belles gueules qui n'ont tout simplement aucun talent d'acteurs. John Boyega joue la même partition du mec cool qui fait des vannes qu'il a dans Star Wars et montre ici son incapacité à se renouveler. Pire encore, il est incapable d'être convaincant lorsqu'il à du matériel un petit peu plus nuancé. Scott Eastwood n'est définitivement pas un acteur et rivalise de manière féroce pour savoir qui de lui ou d'une huître à plus de personnalité et le reste du casting est du même tonneau. Même les acteurs qui reviennent du 1 peine à briller.


Faut aussi à une caractérisation visuelle absolument effroyable. Le nouveau design des combinaisons des pilotes, et des tenues en général, est tout bonnement moche là où avant cela arrivait à exprimer une certaine personnalité. Ici, les casques ont par exemple des visières quasi invisibles sur les casques pour qu'il n'y ait pas d'entraves au niveau des visages des acteurs et qu'on voit constamment leurs belles gueules. Surtout qu'aucun n'a le charisme ou une vraie gueule de cinéma comme le précédent savait nous en proposer. On est face à un produit qui se vend grâce à la plastique de ses acteurs et nous les montre donc constamment sous leur meilleur jour avec toujours le petit éclairage qui va bien. Tout est superficiel et clinquant sans la moindre subtilité et se montre insultant envers l'intelligence de ses spectateurs comme pour ses personnages et ce qu'ils représentent. Ici, la mécanicienne n'est caractérisée que par la rivalité des deux héros qui font un concours de celui qui a la plus grande pour savoir qui pourra la pécho ce qui se montre proprement gerbant. Sans parler du personnage de Shao, dont on veut d'abord nous faire croire qu'elle est méchante et qui se trouve être habillée tout en noir parlent en mandarin d'une voix constamment ferme et se coiffe de manière strict. Mais dès qu'on découvre qu'elle est en fait gentille, elle passe à des tenues blanches, détache ses cheveux et sourit (ce qu'elle ne faisait pas jusque là) en parlant d'une voix douce en.... Anglais.


L’insulte de ce film envers son public est omniprésente allant même jusqu'à lui lancer trololo en pleine face et en faisait faire à ses Jaeger des doigts d'honneur à la caméra. Et tout ça n'est pas relevé par une réalisation déplorable où tout se passe désormais de jour sous une photo impersonnelle et fade tout en étant accompagné d'une musique peu inspirée qui vient même saccager l'excellent thème que Ramin Djawadi avait composé pour le film de del Toro. On retiendra juste le montage pas trop dégueu qui arrive au moins à garder la lisibilité des affrontements intactes. Mais la mise en scène de Steven S. DeKnight s'impose par son manque flagrant d'idées, entre ses effets stylistiques criards et laids à base d’accélérations et de décélérations ou de zooms mal branlés, ou sa reprise des scènes cultes du premier mais en les dévitalisant de leur substance. A l'image du flashback qui expose le traumatisme d'un des personnages qui se montre d'une platitude sans nom. Le premier arrivait à créer des visions épiques et de pur poésie mais ici on ne nous offre qu'un gros spectacle impersonnel. Heureusement, les effets spéciaux sont réussies mais n'ont pas le charme du un. Car se passant toujours de jour et filmant les affrontements de façon détachés, là où le un les filmait constamment à hauteur d'hommes pour souligner le gigantisme, ceux-ci perdent de leurs impacts iconiques. Les Jaeger n'ont jamais paru aussi lisses et irréels, on ne ressent plus leurs poids ni leurs impacts et les combats finissent par ressembler à tout les autres.


Pacific Rim Uprising est un affront à tous ceux qui ont pu être réceptif à la gigantesque et généreuse lettre d'amour que del Toro avait fait à la culture japonaise dans son premier film. Produit américanisé par excellence, cette suite rentre dans le rang de l'aseptisation et de la médiocrité. Tout est sacrifié au nom du spectacle et de l'humour, qui tombe toujours à plat, que ce soit l'intrigue totalement conne et incohérente, les personnages stéréotypés et insignifiant ou encore la moindre trace d'émotion. Le film est mal écrit, mal joué et filmé de façon totalement fade et impersonnel. Il n'est qu'un produit opportuniste destiné à créer une saga sur un nom de prestige dans le but de ramasser les sous. Tout cela pourrait juste en faire un mauvais film, mais ce qui fait tomber Pacific Rim Uprising encore plus bas c'est la façon dont il insulte sans remords son héritage mais aussi son public en le prenant constamment de haut avec sa caractérisation extrêmement douteuse des choses et de ses personnages. C'est une bien triste époque pour le cinéma à gros budget, où les rêveurs ont disparus pour faire place aux profiteurs.

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le 25 mars 2018

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