Pajeú
Fiche technique
Synopsis : Terrifiée, une jeune femme garde les yeux rivés sur une inquiétante monstruosité, sorte d’esprit païen jailli d’un cours d’eau. Ainsi s’ouvre Pajeú, du nom de ce dernier, fiction fantastique qui emprunte les méandres de la rivière pour conduire le récit. Afin de se débarrasser d’un rêve qui contamine sa vie, Maristela enquête sur l’histoire du Pajeú, aujourd’hui oublié, enfoui dans les entrailles de la ville de Fortaleza. Le film fait des transformations urbaines successives conduisant à l’enfouissement du Pajeú un mystère aux accents surnaturels. Il organise un univers paranoïaque sobrement mis en scène. Les visions cauchemardesques servies par une bande son électro aux sonorités métalliques traduisent l’anxiété de la jeune fille qui sombre peu à peu dans un état dépressif : retrait jusqu’à l’isolement, sensations de paralysie, angoisse de la disparition, mélancolie. La frontière entre rêve et réalité s’efface. Pajeú intrique habilement les genres. Tour de force du film et de son économie de moyens, la quête de réponses de la jeune femme, brillamment interprétée, offre l’occasion de recueillir la parole des habitants de Fortaleza, de retracer l’histoire de cette ville, introduisant au cœur de la fiction une matière documentaire inattendue. Pajeú devient la chambre d’écho de générations inquiètes de la destruction de leur environnement, de leur impuissance face aux métamorphoses urbaines incontrôlables, de leurs préoccupations écologiques, de l’effacement de leur histoire. Quand Maristela prend le micro dans une ultime scène de karaoké solitaire, c’est pour chanter d’une voix dissonante la dépossession… Jusqu’à la disparition. (Claire Lasolle)