Eastwood réalisateur est désormais parvenu à une stature similaire à celles des maitres qui l’ont fait naitre en tant qu’acteur. Un nouveau western sera forcément vu à l’aune des superbes opus précédents.
L’ouverture de Pale Rider, alternance entre la vie de la communauté et l’irruption des pillards cite ostensiblement Josey Wales, tandis que l’arrivée providentielle d’un personnage sans nom reprend la trame de l’Homme des Hautes Plaines. Le magnétisme entourant ce personnage taiseux et au charme ravageur rappelle autant ce dernier que Les Proies de Siegel, notamment dans l’amour intergénérationnel qu’il génère.
Le monde vu par Eastwood est toujours aussi sombre et violent. S’ajoutent aux thématiques habituelles (viol, exactions, pillages) de nouvelles préoccupations écologiques et libérales, bien dans l’air du temps des années 80. Ici, les chercheurs d’or mettent au point des méthodes qui dévastent littéralement les paysages et étouffent les individus qui refusent de leur céder leur parcelle. Le capitalisme a clairement pris le relai de la guerre, et s’inscrit lui aussi comme un violent pilier de l’Amérique naissante.
Pale Rider bénéfice indéniablement du savoir-faire d’Eastwood, son regard bienveillant sur les petites gens et les paysages, entre cette rue unique qu’on nomme ville et cette rivière asséchée de laquelle devrait surgir la fortune.
Il n’empêche que les procédés sont un peu plus grossiers qu’à l’accoutumée ; l’arrivée ostensiblement miraculeuse sur son cheval blanc, l’invincibilité du personnage ont tendance à mettre le récit sur des rails. Il viendra à bout de tous les oppresseurs, et la multiplication des agressions (la tentative de viol avortée in extremis, le géant brisant le rocher, etc…) devient assez laborieuse. Les combats sont fort bien filmés, à l’image du massacre final, jeu de cache-cache assez proche du cartoon, où le pasteur n’est jamais là où on l’attend. Limiter toutefois la résolution à une mise à mort généralisée avant de reprendre la route est assez réducteur ; un peu engoncé dans son mythe, Eastwood le déshumanise et transforme son film en un récit d’action un peu clinquant, d’autant plus regrettable lorsqu’on connait son talent pour traiter de la complexité humaine.
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