Beaucoup le savent, mais le répéter ne fera de mal à personne : Joe Dante est un homme indispensable au cinéma. Orfèvre de l’image, inventeur fou, enfant éternel, c’est une créature en jubilation permanente qui veut pérenniser les fonctions premières du cinéma : une magie trompeuse au servie de nos illusions émerveillée.
Quand le cinéaste décide de ne plus passer par les références détournées (qu’on revoie le rôle fondamental des projections et des salles de cinéma dans les deux Gremlins) pour évoquer frontalement son amour, le mélange est forcément émouvant.
Retour à l’enfance, dans les 60’s, retour à la jeunesse d’un cinéma horrifique et séminal pour notre apprenti spectateur.
La peur est partout : dans le ciel, sur les ondes, sur l’horizon de l’Altlantique. Kubrick en fait sa seule et donc plus grande comédie (Dr Strangelove), Lumet une tragédie coup de poing (Fail Safe), Dante son acte de naissance. Le frisson international ne peut pas trouver meilleure illustration qu’au sein d’une salle de cinéma, où les radiations accouchent à l’écran d’un homme fourmi pour le moins grandiose.
Dante s’explique, par le truchement d’un Goodman toujours aussi attachant, lui-même figure d’un Hitchcock de seconde zone, et nous propose une jolie leçon sur les vertus de la peur, remontant jusqu’à la préhistoire et la crainte du mammouth. Si la peur est bonne, c’est parce qu’elle mène à son terme et donc rassure. Si la peur est belle, c’est parce qu’elle stimule l’imaginaire de celui qui voudra la répandre.
Dont acte : Dante nous livre de larges extraits de ce cinéma de genre, entre hommage et pastiche ; mais on sait avec quel enthousiasme l’inventeur fou se plait à dépasser les simples références. Tout, dans son film, chante les louanges du divertissement et de l’illusion : matérialisé par les gadgets d’une vision en 4D truffant la salle d’effets supplémentaires, mais surtout métaphorisé par les liens constants entre le film encadré (Mant, donc) et encadrant (Matinee). A ce jeu, le producteur Woosley et Dante sont d’habiles concurrents : certaines interactions avec la salle sont prévues, d’autres sont le fait d’une machine qui se dérègle, jouissance suprême orchestrée par le grand manitou qui n’aime rien tant qu’à poser un univers pour le détruire avec méthode et éclat.
On pourrait se limiter à une lecture très conventionnelle du film, tant celui-ci refuse de transgresser les codes de son genre : teenage movie, américain jusqu’au bout de sa bande sonore, Matinee joue le jeu.
Quoi de plus logique ?
L’amour de Dante est inconditionnel, et s’il nous offre une leçon de décryptage enjouée sur les vertus de la peur, il nous invite aussi à lâcher prise par un retour à l’émotion la plus authentique, débarrassée de tout cynisme : le monde échappe à l’apocalypse nucléaire, les méchants sont appréhendés, l’amour et le cinéma sortent vainqueur, dans le cœur des personnages et des spectateurs.
Sergent_Pepper
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le 3 déc. 2014

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Sergent_Pepper

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