L'oeuvre s'ouvre sur un check-point israélien à l'entrée de la ville cisjordanienne de Naplouse. A travers le contrôle d'une jeune femme palestinienne aux allures occidentale, le cinéaste parvient à résumer le conflit par cette peur qui prend les deux personnes: la jeune femme ne sait pas comment va réagir le soldat israélien et ce dernier reste constamment sur ses gardes, de crainte d'un attentat. La peur est au centre de ce contrôle, la tension est d'emblée instaurée.
Pour le reste, on va suivre Khaled et Saïd, bien loin de ressembler à l'image que l'on peut se faire des extrémistes musulmans. Ce sont deux amis d'enfance et de prime abord, ils n'ont pas du tout l'air de ressembler à des candidats au suicide. Ce n'est que lorsque des chefs de la faction viennent les voir pour leur dire que c'est l'heure qu'on le comprend vraiment.
Abu-Assad réussit très bien une chose dans le film, c'est de montrer les mécanismes d'intégration de ces hommes candidats au suicide, de voir par quels mécanismes ils parviennent à convaincre les personnes que le Jihad contre Israël est la seule solution. Ces mécanismes sont culturels (la haine de l'autre, différent tout simplement), religieux (seul l'Islam est la bonne religion et Dieu est reconnaissant envers ceux qui se battent pour l'Islam) ou tout simplement économiques. Dans ce dernier cas on soulignera que le cinéaste reste très sobre. Une volonté de montrer simplement la différence entre les quartiers de Naplouse et ceux de Tel-Aviv. A ce titre, on peut être assez satisfait du travail du cinéaste car il n'y a pas un véritable parti pris, sinon un constat simple: les deux parties ont des torts et ne font rien pour que ça change.
Il y a toutefois quelques déceptions. Hormis la séquence d'ouverture et la séquence finale, elle aussi très maitrisée et toute en distanciation, l'oeuvre manque clairement de tension. Face à l'arrivée d'un attentat-suicide on a plus l'impression d'être spectateur, dans un mauvais sens du terme, que d'être happé par la tragédie de l'événement à venir. Enfin, je regrette un travail psychologique assez pauvre. Certes, les deux kamikazes passent par un questionnement (avons-nous raison de faire ça?). Mais j'estime toutefois que leur humeur est bien changeante par moment sans avoir des raisons vraiment particulières. Là aussi, un sentiment de trop peu en résulte.
Question mise en scène, le cinéaste fait preuve d'une forme de maturité. Pas de démonstration de sang, pas de manichéisme simple. Il offre aussi quelques beaux plans aux images réussies. Paradise Now n'est sans doute pas un grand film sur certains points, mais il ne manque pas d'intérêt sur d'autres. Une oeuvre à découvrir de toute façon, mais qui s'apparente aussi à la situation du conflit à l'heure actuelle: des constats, mais aucune solution.