C'est un film qui a plus de densité, de profondeur et de souffle que certains films que j'ai notés "8" et donc, comme j'aime être cohérent avec moi-même et si possible ne pas m'exposer à l'ire publique, je lui ai attribué un "8" (qu'il mérite certainement), mais sans enthousiasme. Le film ne m'a pas profondément remué comme je l'avais été par An Elephant Sitting Still, Burning ou The Third Murder.
Je trouve le scénario trop (visiblement) travaillé, trop alambiqué, rocambolesque. C'est une satire de la société sud-coréenne, une brillante satire. Oui, mais pour qu'un film vous empoigne, vous remue, vous bouleverse, il faut un minimum croire à l'histoire, aux personnages, aux péripéties. Je n'y ai pas cru, je ne suis pas rentré dans l'histoire. J'y ai senti un scénario fabriqué, forcé, trop visiblement influencé par la situation particulière de la Corée (un pays coupé en deux, communiste au Nord, capitalistico-libéral au Sud) et plein de petites incohérences. Je n'ai pas non plus adhéré aux personnages, aucun ne m'a véritablement été sympathique. La satire est brillante, mais superficielle, peut-être parce que naviguant entre charge comique et drame, voire tragédie. Je n'ai pas pris l'histoire au premier degré, j'y ai bien vu une sorte de parabole ou de fable, mais je n'ai pas marché. Les riches ne sont pas si bêtes (ils ne sont pas devenus riches par hasard). Les pauvres ne sont pas si malins. Une famille de pauvres machiavélique comme celle présentée pendant toute la première partie du film doit le rester jusqu'au bout (même dans une satire) et ne pas commettre les grossières erreurs qu'elle commet ensuite, comme par exemple se lâcher complètement dès que leurs patrons tournent le dos et partent en weekend. Il y a dans le scénario des facilités que je n'avale pas : par exemple, le fait que le père et les deux enfants soient d'un commun ensemble descendus dans le sous-sol (ou abri atomique) pour écouter comment la mère se débrouillait avec l'ancienne gouvernante soudainement réapparue pour aller nourrir son mari terré là depuis plusieurs années et que, perdant l'équilibre, ils tombent tous les trois de la descente d'escaliers, ce qui permet à l'ancienne gouvernante de comprendre en un instant l'ensemble de la manigance, que les quatre sont de mèche et ne forment qu'une seule et même famille (d'arnaqueurs). C'est un, sinon le principal tournant de l'histoire et c'est parfaitement invraisemblable, un "twist de cinéma". Je ne vais pas éplucher tout le reste du scénario, mais c'est ce que je reproche au film : on sent le scénario fabriqué, on perçoit ses rouages. Les personnages manquent d'authenticité (le plus réussi étant le père, Ki-taek, parce que l'acteur qui le joue: Song Kang-Ho est remarquable), ne sont pas vraiment attachants parce que, selon moi, ils forcent trop la note, surtout l'ancienne gouvernante et son mari.
Désolé d'être aussi critique d'un film qui a reçu la Palme d'Or à Cannes cette année et les acclamations quasi unanimes des critiques professionnels.
Alors, qu'est-ce que j'ai aimé, qui m'a fait quand même lui attribuer "8" (pour "très bon film") ? Je l'ai dit dans mon titre : c'est une satire brillante de la société sud-coréenne et une histoire rocambolesque mais comme telle divertissante et tout sauf ennuyeuse. Et certaines péripéties, certains moments sont remarquablement mis en scène. J'ai particulièrement goûté les scènes de pluie diluvienne inondant les bas quartiers, donc l'entresol de Ki-taek et sa famille. Des scènes à la fois poétiques, catastrophiques (parfois jusqu'à la drôlerie) et remarquablement filmées. La mise en scène de la "party" organisée de façon impromptue pour l'anniversaire du petit Da-Song est aussi très réussie, réglée comme du papier à musique et presque digne d'un Jacques Tati. Et le ralenti qui la clôt et montre la fuite de Ki-taek aux mains ensanglantées est parfaitement pertinent.
Conclusion. C'est un bon, même très bon film. Est-ce une grande Palme d'Or ? Je n'en suis pas convaincu et j'ai essayé ci-dessus de vous expliquer ce qui justifiait ce sentiment mi-figue mi-raisin. Parasite ne m'a pas vraiment touché, bouleversé, transporté, comme par exemple 120 battements par minute qui, en 2017 à Cannes, n'avait d'ailleurs eu droit, lui, qu'au Grand Prix. Il a plutôt sans doute un peu agacé le "bobo" plus bourgeois que bohème que je suis probablement hélas en train de devenir.