[ # 94 - Escaliers , parasite et indiens ]

Phénomène cinématographique de 2019 , auréolé de maintes récompenses comme la Palme d'Or au Festival de Cannes ou le Golden Globe du Meilleur film étranger , le dernier film de Bong Joon Ho est aussi devenu un phénomène de société qui aurait la capacité de mettre tout le monde d'accord. Soit disant.


Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne...



J'ai aimé




  • Une réalisation maîtrisée et puissante

  • Des décors évocateurs et utilisés à bon escient

  • Les 15 - 20 premières minutes

  • Park So - Dam



J'ai moins aimé




  • Beaucoup trop de facilités scénaristiques

  • Un propos politique plat et déjà vu

  • Certaines situations grotesques

  • Une fin ridiculement naïve

  • Des personnages parfois caricaturaux et peu crédibles

  • Manque de subtilité dans la préparation des twists

  • Parfois beaucoup trop bavard et explicatif



Monter ou descendre



Si il y a bien un point où tout le monde peut être d'accord , c'est sur la maîtrise dont fait preuve la réalisation de Bong Joon Ho. Plans extrêmement bien composés et symboliques , montage dynamique et extrêmement fluide , le film bénéficie d'un rythme qui sert à l'histoire qui nous est narrée. Un travail des transitions peut être observé , que ce soit une transition entre deux plans où le réalisateur va jouer avec l'eau ou une transition vers un ralenti esthétisé en jouant avec l'appareil photo du smartphone d'un des personnages. Mais le réalisateur a surtout énormément travaillé sur les décors. La maison de chaque famille est extrêmement représentative de leur situation sociale et économique que ce soit la pauvreté précaire et la saleté de l'habitation de la famille de Ki-taek opposée à la beauté architecturale et la propreté clinique de l'immense maison des Park. Le fossé qui oppose les deux familles et les ambitions de la famille pauvre sont retranscrits par ce jeu sur les escaliers représentant à chaque montée l'ascension sociale et économique , la descente quand à elle un retour à la réalité ou une impossibilité d'intégration. L'opposition est encore plus flagrante quand on remarque que l'habitation de la famille pauvre est sous le sol de la rue alors que l'habitation de la famille riche est en hauteur et demande une ascension importante pour l'atteindre.



Croix de bois , croix de fer , si je mens , je vais en enfer



Si le scénario avait été à la hauteur de la mise en scène , j'aurais très probablement crié au chef d'oeuvre comme absolument tout le monde ou presque mais ce n'est pas le cas. Le film est tout simplement la comédie sociale la plus classique qui soit et se contente bêtement d'opposer deux familles que tout oppose ( et symboliquement deux classes sociales ) pour montrer les fossés qui se créent dans la société et la difficulté de l'intégration des classes inférieures. Thématique loin d'être originale mais , heureusement pour le film , dans l'air du temps et qui ne se démarque même pas dans sa conclusion et le constat qu'elle amène , essayant même de jouer sur les deux tableaux de manière assez putassière


( la montée de violence et les morts durant l'anniversaire auraient pu dénoncer l'impossibilité d'une co-existence entre les classes sociales à notre époque mais le film retourne subitement sa cape pour au final donner une happy ending grotesque et en faveur des plus pauvres )


Le film rate ainsi là où Joker réussissait , lui qui se démarquait par un pessimisme certain et le caractère crédible et évocateur des évènements dépeints durant son climax. Il interpelle ainsi et évite cette distanciation manichéenne entre les classes sociales. Parasite tombe les pieds joints dans ce manichéisme bas de plafond avec les pauvres sympathiques et soudés , faisant tout pour réussir et sortir de leur misère , se moquant des riches superficiels et crédules qui gâtent trop leurs enfants et se moquent des plus pauvres. Ces traits de caractères de chaque famille sont beaucoup trop exacerbés pour être crédibles et le film prend parti , ce qui nuit à ce qu'il essaye de dire. Le film fait l'erreur de beaucoup trop expliquer les pensées des uns et des autres et se révèle franchement imbuvable dans ses dernières minutes , retirant toutes les subtilités et potentiels mystères , tuant une fin ouverte beaucoup plus marquante et tombant dans le happy - end facile. Plusieurs critiques élogieuses sont tout bonnement incompréhensibles , dont celle sur le soi - disant changement permanent de registre cinématographique au fur et à mesure de l'avancement du récit. C'est tout simplement de l'esbroufe et de la sur - interprétation à outrance de ce qui n'est ni plus ni moins qu'une comédie sociale qui vire ( sans tomber totalement dedans ) au thriller. L'humour , somme toute relative du film ( qui ne provoque jamais d'éclats de rire il faut être honnête deux secondes ) , est présent pendant la première moitié du film laissant la place à une virée dans le thriller qui semble s'accorder trop difficilement au reste , la faute à des twists dont les indices annonçant la vérité étant trop récurrents et mis en valeur par le film pour réellement surprendre. Le film perd même l'occasion de s'engoncer dans une dimension plus horrifique et fantastique qui aurait sans doute été bénéfique au film ( la promo insiste trop sur les twists et les secrets du film qu'il ne faut pas révéler alors qu'il aurait été plus intéressant que le film cache en réalité un virage vers le fantastique ou l'horreur complètement assumé et qui transcende le long - métrage ). Plusieurs points clés du scénario sont d'ailleurs provoqués par des facilités scénaristiques grotesques qu'on aurait pointé du doigt ailleurs


( la famille Park qui revient chez elle parce qu'il pleut alors que c'est la seule fois du film où toute la famille ne se trouve pas dans la maison , la famille de Ki-taek qui tombe des escaliers révélant leur présence et la supercherie )


Le film est ainsi à la fois trop didactique avec son spectateur alors que le propos est assez ( trop ? ) universel et d'actualité et pas assez original pour le peu qu'il raconte , profitant plus de son contexte de sortie et des phénomènes sociaux qui se multiplient et qui peuvent porter aux nus un certain film pour ensuite en enterrer d'autres avec une froide violence pour des motifs souvent nébuleux et/ou hypocrites.



Des arnaques et des crédules



Pour son dernier long - métrage , Bong Joon Ho revient à un casting purement coréen après ses pérégrinations dans le cinéma américain. L'interprétation en règle générale est d'un bon niveau , malgré le manque de subtilité chez le jeu des Park ( comme l'écriture cela dit ). Park So-dam impressionne dans son interprétation riche en nuances et en justesse de jeu et demeure la révélation du film.



Ériger des idôles et brûler le reste



Ce qui désole dans tout ça est que le travail de Bong Joon Ho est de qualité ( réalisation ) , cela est indéniable , comme le fait que ce soit un auteur capable de s'attaquer à divers genres tout en gardant la sève et l'essence de son cinéma. Difficile aussi de critiquer cette mise en avant et cette reconnaissance tardive du plus grand nombre envers le cinéma coréen. Mais cette tendance à ériger en monument des films juste pour leur auteur ou pour ce que le film représente plus que par ce qu'il est réellement et ce qu'il fait est inquiétant. C'est le règne de " moi j'aime donc c'est forcément bien " et du chef d'oeuvre tous les mois ( à en croire certains , on aurait des chef d'oeuvre tous les mois et à en croire d'autres, le cinéma serait en train de régresser ). Aucune nuance , aucun entre - deux , une extrêmisation des réactions et des ressentis prenant le pas sur la critique constructive. Si l'on est pas d'accord avec ce que la masse érige en chef d'oeuvre intouchable , nous avons forcément tord ou " sommes passés à côté du film " ( la masse n'aurait apparemment jamais tord , c'est bien connu ) quand nous ne nous prenons pas un torrent de violence injustifiée pour avoir osé exprimer notre avis. J'ai exposé le mien , j'attends beaucoup les éternels " tu est passé à côté du film " ou " le film est beaucoup plus riche que ce que tu dis , par exemple ... ". J'attends des avis constructifs pour changer et peut être recommencera - t - on à parler vraiment de cinéma.

DrOwl370
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes 2019 : FLOP [ FILMS ] et RÉTROSPECTIVE 2020 [ FILMS ]

Créée

le 3 févr. 2020

Critique lue 257 fois

1 j'aime

DrOwl370

Écrit par

Critique lue 257 fois

1

D'autres avis sur Parasite

Parasite
AnneSchneider
8

La maison fait le moine...

La septième réalisation du monumental Bong Joon Ho est fréquemment présentée comme une critique acerbe des inégalités qui minent la société coréenne. La lutte, d’abord larvée et de plus en plus...

le 2 juin 2019

274 j'aime

37

Parasite
Vincent-Ruozzi
9

D'un sous-sol l'autre

La palme d'or est bien plus qu'une simple récompense. C'est la consécration pour un réalisateur ainsi que pour le cinéma qu'il représente. Il faut voir les discours de ces derniers qui, émus, avouent...

le 29 mai 2019

230 j'aime

30

Parasite
Larrire_Cuisine
5

[Ciné Club Sandwich] Lisez le premier paragraphe avant de nous insulter parce qu'on a mis 5

DISCLAIMER : La note de 5 est une note par défaut, une note "neutre". Nous mettons la même note à tous les films car nous ne sommes pas forcément favorable à un système de notation. Seule la critique...

le 4 juil. 2019

166 j'aime

23

Du même critique

Terrace House: Tokyo 2019-2020
DrOwl370
9

[ # 88 - Tokyo , rencontres et abrutis ]

Terreau de concepts toujours plus futiles et abrutissants , la télé - réalité ( qu'elle soit française ou non ) a depuis bien longtemps abandonné l'idée de proposer de réels concepts intéressants et...

le 13 oct. 2019

6 j'aime

Junior
DrOwl370
7

Au commencement...

Junior est un court - métrage de 2011 réalisé par Julia Ducournau et qui pose les bases de ce que sera son chef d'oeuvre Grave. Justine , surnommée Junior , est une adolescente de 13 ans un brin...

le 16 févr. 2018

6 j'aime

Spider-Man: Homecoming
DrOwl370
3

Nous l'avons perdu

C'est au tour de Jon Watts de réaliser les nouvelles aventures de l'homme - araignée et de passer après la surestimée trilogie de Sam Raimi et le sous - estimé diptyque de Marc Webb. Marvel Studios...

le 31 juil. 2017

6 j'aime

2